CANNED HEAT – LIVING THE BLUES – 1968 - Alan Wilson, le Bluesman Blanc
Un des scènes les plus hallucinantes du festival de Woodstock est celle pendant le show de CANNED HEAT, à la tombée de la nuit, lorsque Bob HITE, le chanteur du groupe, commence à faire plier sous son poids les planches du sol, à un endroit où la scène du festival est particulièrement endommagée.
On peut voir une toute partie du show de CANNED HEAT sur la version longue du film, pendant qu’ils interprêtent leur mémorable « REFRIED BOOGIE ».
L’intro à la guitare slide d’Alan WILSON est un grand moment de musique ; Les mimiques qu’il fait avec ses lèvres, tout en gardant les yeux fermés, alors que derrière la scène on assiste à un magnifique coucher de soleil sur le festival, restent inoubliables et montrent combien le CANNED HEAT vivait sa musique.
Ils font partie des groupes majeurs de la fin des 60’s, et cela, on a tendance un peu à l’oublier.
Ce sont pourtant eux qui ont définitivement modernisé le Blues en y ajoutant cette touche de rock et de mélodie, juste ce qu’il fallait, afin de ne pas être de simples imitateurs, comme tous ces groupes anglais apparus au milieu des années 60, qui ont pour nom John MAYALL, FLEETWOOD MAC, ou CREAM.
Ces groupes étaient tellement ennuyeux, et surtout, leur musique a si mal vieilli, contrairement à celle du HEAT qui est restée résolument « moderne ».
Leur son était unique.
Le groupe s’est formé en Californie en 65 avec Alan WILSON, dit « Blind Owl » et Bob HITE, alias « The Bear » au vu de sa corpulence, sa barbe et sa coupe de cheveux.
Ils avaient alors respectivement 22 et 20 ans.
C’était 2 passionnés de Blues et WILSON avait d’ailleurs une collection impressionnante de vieux 78 tours.
Leur 1er disque, sortie en 67, n’eut pas beaucoup de succès, malgré une formidable reprise du « ROLLIN AND TUMBLIN » ; ce n’était en fait que des reprises de vieux standards, mais le son, si particulier, était déjà présent, et on sentait que ce groupe pouvait dépoussiérer enfin les sempiternels vieux accords du Blues.
C’est leur prestation au festival de Monterey en 67 qui allait tout déclencher, puis début 68 la sortie de leur fameux 45 tours, ON THE ROAD AGAIN » allait les installer sur une voie royale.
C’est pendant l’enregistrement de leur 2ème album, BOOGIE WITH CANNED HEAT, que le groupe évolua dans sa meilleure formation : Henry VESTINE en Lead Guitar, Fito DE LA PARRA à la batterie et Larry TAYLOR à la basse.
Ces cinq-là constituèrent une vraie famille, et leur entente parfaite se ressentit sur leurs enregistrements.
Leur succès était amplement mérité, car ces types jouaient vraiment bien ; en bref, ils avaient la CLASSE. Ils avaient trouvé le son qui plaisait, et le grain de voix de Bob HITE, si particulier, associé au son unique de la Gibson Les Paul de WILSON, constituaient une arme imparable.
Alan WILSON était, en plus d’un excellent guitariste slide, un prodigieux joueur d’harmonica, et beaucoup de leurs chansons regorgeaient de solos particulièrement délicats et aériens.
LIVING THE BLUES, sorti fin 68, est leur meilleur album avec FUTURE BLUES sorti 2 ans plus tard.
C’est un double album « essentiel », constitué d’un merveilleux album studio et d’un 2ème en public, sur lequel ils jouent leur fameux BOOGIE, qui dure ici, 41 mn.
Le son du vinyle est fantastique.
L’intro de WILSON est un bijou, puis le morceau démarre et tout au long de ces 40 mn, les 4 musiciens vont, tour à tour, placer leurs solos, avec à chaque fois un retour sur le thème central, très proche du BOOGIE CHILLEN de J.Lee HOOKER.
Bien-sûr, ce sont les 2 guitaristes qui se taillent la part du lion, et leurs solos respectifs sont remarquables.
Le disque en studio regorge de trouvailles, toutes aussi différentes les unes des autres. Il y a bien-sûr le hit GOING UP THE COUNTRY, écrit et chanté par WILSON lui-même, avec sa voix si particulière.
D’autres chansons, comme MY MISTAKE et SANDY’S BLUES sont des classiques de leur répertoire.
Mais le morceau de bravoure de cet album studio, c’est évidemment PARTHENOGENESIS, qui en fait, est l’association de plusieurs petites chansons ou instrumentaux aussi originaux les uns que les autres et dont les partie instrumentales jouées par Alan WILSON restent légendaires. Le tout atteignant tout de même les 19 mn.
L’intro intitulée « NEBULOSITY », jouée à la guimbarde, un peu dans le style d’Ennio MORRICONE pour la BO de « ET POUR QUELQUES DOLLARS DE PLUS », et surtout le sommet de l’album, placé en fin de morceau, « RAGA KAFI » , avec son harmonica hypnotique sur fond de sitar indien, sont de réelles splendeurs.
L’album eut un immense succès, et CANNED HEAT enchaîna ensuite les tournées triomphantes sur le sol américain ainsi qu'en Europe.
Pourtant, en 70, une brouille assez grave entre Henry VESTINE et Larry TAYLOR aboutit au départ de VESTINE ; celui-ci fut remplacé par Harvey MANDEL (qui jouera plus tard sur BLACK’N BLUE des STONES) pour le superbe album FUTURE BLUES, un autre chef d’œuvre du HEAT.
C’est après la sortie de ce disque qu’Alan WILSON, personnage très solitaire et asocial, se suicida début septembre 70, en absorbant un cocktail de drogues mortel. Il fut retrouvé dans un sac de couchage dans le jardin du chanteur Bob HITE. Il avait 27 ans... comme les autres.
HENDRIX devait suivre 15 jours plus tard.
Le groupe ne s’en remit jamais, et bien qu’il ait continué encore de longues années, dans des formations très changeantes, jamais il ne retrouva le lustre de ces 4 années mythiques.
Bob HITE, mourut à 36 ans, en 81, d’une crise cardiaque.
Jim MORRISON lui-même avait été très impressionné par le groupe, après avoir chanté avec eux sur scène. Il voulut persuader les autres DOORS, ainsi que Paul ROTHCHILD, leur producteur, de s’orienter vers ce son plus blues. ROTHCHILD détesta les bandes démo que MORRISON lui fit écouter, mais c’était une grave erreur de sa part, car ces bandes allaient devenir LA WOMAN.
A noter qu’il existe une réédition du milieu des 70’s avec une autre pochette, particulièrement hideuse. Il faut donc se méfier si vous voulez acheter ce disque.
J-Luc

Oh let the sun beat down upon my face, stars to fill my dreams...