ERIC CLAPTON – NO REASON TO CRY - 1976 : God Ou Slowhand ?
« Tu sais, il faut vraiment que tu commences à chanter ; tu devrais être à la tête de ton propre groupe. Tu as reçu un don de Dieu, et si tu ne t’en sers pas, il te le reprendra ! »
C’est ce que dit Delaney BRAMLETT à Eric Clapton un beau jour de 70, alors que ce dernier, au sortir de BLINDFAITH, accompagne quelques temps le groupe Delaney & Bonnie.
Avant cela, Clapton a déjà joué dans Les YARDBIRDS, puis avec John MAYALL, et enfin avec CREAM.
Il écoute donc le conseil de Delaney, forme DEREK & THE DOMINOS, puis enregistre le fameux double album LAYLA avec Duane ALLMAN.
La tournée qui suit la parution de cet album est malheureusement un échec retentissant, sans doute d'une part parce qu'il n’est pas fait mention du nom Eric CLAPTON dans l'appellation du groupe, mais d'autre part , surtout à cause de l'absence de Duane ALLMAN tué accidentellement au guidon de sa moto en août 71, alors qu’il devait participer aux concerts à travers les USA.
Eric CLAPTON retombe ensuite dans ses vieux démons, l’alcool et la drogue. Sa passion amoureuse pour Patti BOYD, alors épouse de son meilleur ami Georges HARRISON, n’arrange pas les choses. Il se mure alors dans un silence de 3 ans et devient un véritable junkie.
C’est Pete TOWNSHEND, leader des WHO, qui le sort de sa torpeur, en le persuadant de reprendre sa guitare lors d’un concert au Rainbow en 73. Bien que Clapton soit alors en triste état, il accepte le défi et reprend ensuite peu à peu goût à la vie et à la musique. Il va d'ailleurs connaître la période la plus prolifique de sa carrière avec 4 albums déterminants entre 1974 et 1978.
Pour illustrer ce retour en grâce, j’aurais pu choisir le magnifique 461 OCEAN BOULEVARD, l’album du renouveau, ou SLOWHAND, sans doute son disque le plus accompli, voire même BACKLESS, l’album de 78 sur lequel il excelle sur une reprise, encore une, de JJ CALE. J'ai finalement retenu NO REASON TO CRY, sorti en 76, enregistré en 1 mois, fin 75, à Los Angeles au célèbre studio Shangri-La.
Depuis sa période DEREK, CLAPTON a laissé tomber sa LES PAUL pour ne jouer, sur le conseil de Stevie WINWOOD, que sur une FENDER Stratocaster, qu’il s’est confectionné lui-même à partir de 3 Stratos achetées d’occasion.
Il a également gagné des sommes colossales avec la tournée ayant suivi la sortie de l’album 461 OCEAN BOULEVARD, et vit aux Bahamas avec Patti BOYD. Celle-ci a en effet succombé à la cour assidue du guitariste et a définitivement quitté Georges Harrison. Elle décide de rejoindre Eric Clapton au beau milieu de sa tournée US.
Il est alors dans une période de totale insouciance et sa créativité est à son zénith.
DYLAN l’avait invité à jouer sur les sessions de DESIRE. Après une attente interminable, Clapton avait enfin pu jouer ses parties de guitare sur quelques morceaux. Mais comme toujours, au dernier moment, Bob décide de tout changer et les parties de Clapton passent à la trappe.
Pour se faire pardonner, DYLAN lui promet de lui composer une chanson et même de venir la chanter avec lui sur son futur album.
Pendant cette période bénie de 5 ans, Clapton, las de jouer son sempiternel Blues traditionnel, décide de faire évoluer sa musique, afin de lui donner une orientation plus moderne.
L’album live EC WAS HERE sorti en 75, devait être son dernier disque de blues avant un long moment ; il faudra attendre ensuite FROM THE CRADDLE, sorti en 96, pour son vrai retour à cette musique.
Il s’oriente donc vers la musique Californienne alors très en vogue, après la prise de pouvoir des Eagles et de Fleetwood Mac. Il joue pas mal de reprises, de Marley ou de JJ Cale, et il faut reconnaître que ça lui a bien réussi. Il cherche alors uniquement à se faire plaisir et son groupe composé, entre autres, de son vieux complice des dominos Carl RADLE, ainsi que la chanteuse Yvonne ELLIMAN, est très à l’aise sur ce type de musique.
En conséquence, NO REASON TO CRY est un album très varié, plein de fraîcheur, regorgeant de belles mélodies, mais surtout imprégné par le jeu de guitare lumineux de Clapton.
J’ai écouté ce disque un nombre incalculable de fois, et je le trouve toujours aussi bon, et sans aucune faille.
Clapton y est accompagné de prestigieux musiciens, dont Dylan, du BAND avec entre autres Robbie Robertson, et même de Ronnie WOOD, alors tout nouveau membre des Stones.
Les titres sont superbes. Mais, pour faire un GRAND DISQUE, il faut avoir un GRAND TITRE, une locomotive en somme, le petit quelque chose en plus, qui soutient en permanence le reste du disque, quelque chose auquel on se réfère sans cesse, et qui nous pousse à le réécouter.
Cette merveille, une véritable pépite, c’est la chanson de DYLAN, alors dans une période de créativité inouïe, qui la lui offre, avec SIGN LANGUAGE.
La chanson ne dure que 3 minutes, mais c’est une splendeur, sans doute une des meilleures jamais écrites par DYLAN, qui d’ailleurs, chante un couplet, de son incroyable voix.
La touche finale, et qui fait que la chanson va entrer dans la postérité, c’est Robbie ROBERTSON qui la lui donne, avec un inoubliable solo de guitare en vibrato, que Clapton admirait tant.
Le reste de l’album est très varié. Tous les morceaux sont d’un haut niveau et surtout impeccablement interprétés.
On y trouve des ballades, comme BEAUTIFUL THINGS, qui ouvre l’album ou le magnifique BLACK SUMMER RAIN qui le clôture.
Clapton nous prouve également que son jeu de guitare se prête parfaitement au rock et le montre sur CARNIVAL, HELLO OLD FRIEND et surtout HUNGRY sur lequel il plante un solo épileptique de slide.
Il se prend même pour Jimmy PAGE sur une reprise d’Otis RUSH, DOUBLE TROUBLE sur lequel il est impérial, et qui fait bougrement penser au SINCE I’VE BEEN LOVING YOU de LED ZEPPELIN.
L’ambiance, pendant l’enregistrement, est paraît-il très arrosée, et il régne dans le studio une atmosphère de « bordel ambiant », mais le résultat est au rendez-vous.
Le son du VINYLE est excellent, mais le CD est assez décevant. Dommage.
Mais en montant le son, on appréciera quand même.
Il ne faut passer sous aucun prétexte à côté d’un tel disque, d’autant qu’il est resté très méconnu.
Qui en parle encore aujourd’hui, à part moi ?
L’année suivante, Clapton sortait SLOWHAND, puis en 78, BACKLESS avec à nouveau 2 titres de Dylan, spécialement composés par le maître pour la circonstance.
Durant la tournée de 79 qui a suivi la sortie de BACKLESS, Clapton invite tous les soirs sur scène, Patti BOYD, qu’il vient d’épouser, afin de lui chanter GOLDEN RING, une de ses plus belles compositions.
« If I Gave to you a golden ring, would I make you happy, would I make you sing ? »
Hélas, Eric allait traverser les années 80 dans une déchéance totale. Se séparant de tout son groupe 81 avec qui il jouait depuis des années, accro à l’alcool tout comme l’était Jim Morrison, multipliant les cures de désintoxication ainsi que les comeback ratés, il n’enregistra plus rien de valable. Ce n’est qu’au milieu des années 90 et grâce à quelques disques de blues purs qu’il allait revenir sur le devant de la scène musicale, ainsi qu’un disque plutôt réussi avec JJ CALE en 2008.
Ah, Eric CLAPTON… j’ai tellement aimé ce musicien, autant pour sa musique d’ailleurs, que pour la vie incroyable qu’il a eue, parsemés sans cesse de démons et de drames.
Personnage passionnant et attachant, à la jeunesse brisée, à la fois fragile et fort, ayant réussi à se débarrasser de l’alcool et la drogue après la mort affreuse de son fils de 4 ans CONNOR, tué en 90.
Eternel amoureux et hélas malheureux en amour, lui, alors qu’il fréquentait en 90 un mannequin italien, une certaine CARLA B., eut le malheur de la présenter à JAGGER, qui bien-sûr, la lui piqua aussitôt pour en faire sa maîtresse pendant plus de 10 ans.
Aujourd’hui, il semble enfin avoir trouver la paix avec sa jeune épouse MIA et ses 3 filles. Il a fondé une clinique, Crossroads, afin d’aider les alcooliques à guérir. Il est richissime et vit dans sa propriété de toujours, dans le Surrey, à HURTWOOD, dont il dit éprouver un sentiment spécial, toujours le même au moment de rentrer après une longue tournée, en parcourant le dernier kilomètre jusqu’à ce qu’enfin apparaisse sa maison et ainsi pouvoir bénéficier d’un repos bien mérité, entouré de sa petite famille, mais aussi et surtout, de ses guitares.
NB : Vous pouvez retrouvez également cette chronique ici :
Chronique NO REASON TO CRY
J-Luc

Oh let the sun beat down upon my face, stars to fill my dreams...