J’ai attendu cet album pendant si longtemps!
A tel point que lorsqu’il est enfin sorti, en août 1979, je n’osais même pas le poser sur ma platine, sans doute de peur d’être déçu.
Il faut dire que c’était une période bizarre ; on était en fin de décennie. Les punks avaient tout laminé depuis 3 ans, mais après avoir vomi sur les « dinosaures », comme ils avaient coutume de les appeler, ils n’avaient laissé que des ruines.
Leur mouvement était déjà mort et enterré. La « new wave » était sur le point de commencer son règne avec des groupes comme Talking Heads, Police, Clash et autres, tous à la réputation surfaite.
Les grands groupes étaient tous en hibernation depuis 2 ou 3 ans.
PINK FLOYD préparait THE WALL, EAGLES et FLEETWOOD MAC étaient sur le point de sortir un double album, les WHO avaient déjà enterré Keith MOON, pendant que LED ZEPPELIN peaufinait son dernier né dans les studios d’Abba en Suède.
Les bruits les plus fous courraient sur cet album. Dans son émission quotidienne FEEDBACK sur France Inter, Bernard LENOIR donnait régulièrement des nouvelles du groupe.
La nouvelle la plus effarante faisait état qu’il y aurait de la disco sur l’album !
Annoncé fin 78, le projet prit un retard incroyable si bien que lorsqu’il sortit enfin, plus personne n’y croyait plus depuis belle lurette.
Je me souviens être tombé dessus par hasard, en le voyant dans la devanture d’un magasin de disque aux Halles de Strasbourg.
Tout d’abord, il y avait ce drôle d’emballage, un papier kraft, sur lequel était estampillé le titre IN THROUGH THE OUTDOOR.
« Par la porte de sortie » : titre prémonitoire.
Une fois déballé, il y avait cette pochette sépia, avec aucune mention inscrite dessus, au recto comme au verso.
On apprit ensuite qu’il y avait en fait 6 prises de vues différentes de la scène de bar illustrant cette énigmatique pochette.
Que nous réservait LED ZEPPELIN, après 4 années de drame et de faits divers sordides.
Avaient-ils les ressources pour relancer leur dirigeable qu’ils avaient crashé un beau soir de juillet 77 à OAKLAND, date de leur dernier concert aux USA à ce jour.
En avaient-ils seulement envie ?
La réponse est dans l’album.
La genèse d’ IN THROUGH THE OUTDOOR a été des plus pénibles.
A OAKLAND, toute l’armada LED ZEPPELIN s’est écroulée en 2 jours.
Tout d’abord, il y eut le soir du 1er concert, ce passage à tabac sauvage d’un agent de la sécurité de Bill GRAHAM, organisateur de leur tournée 77 aux USA, par Peter GRANT et John BINDON, aidés en cela par COLE et BONHAM.
Bill GRAHAM, homme hyper influent dans le milieu du rock aux US à l’époque, horrifié par les méthodes de GRANT, jura alors de mettre un terme à leur carrière aux USA, qu’ils avaient, après cet acte lamentable, fait l’erreur de trop, et que leurs innombrables excès en tous genres allaient les mener, dans un premier temps devant la justice américaine puis dans un deuxième directement en prison.
Mais LED ZEPPELIN allait boire le calice jusqu’à la lie, puisque le lendemain ayant suivi cet incident, après le 2ème concert donné à Oakland, Robert PLANT apprenait la mort de son fils KARAC, alors âgé de 4 ans, décédé des suites d’un virus à l’estomac.
La tournée fut aussitôt annulée.
La même journée, la honte frappa Led Zep lorsque Peter GRANT, John BONHAM, Richard Cole et John BINDON furent arrêtés à leur hôtel par la police, menottés et incarcérés pendant 24h.
Ce fut le dernier fait d'armes de Led Zep aux USA!
Triste épilogue quand on sait ce que les Etats Unis leur ont apporté.
Peu après, la rumeur la plus persistante faisait état d’une séparation du groupe suite à la crise personnelle que traversait Robert PLANT après le décès de son fils.
Je reste convaincu que, s’il n’a jamais voulu participer à une reformation du groupe, c’est à cause de ce souvenir funeste.
Mais soudain, au courant de l’été 78, la nouvelle courut que LED ZEPPELIN était enfin sur le point d’enregistrer un nouvel album en suède, et que la sortie était prévue en fin d’année.
Malgré cette annonce, tout n’était pas rose au sein du groupe, et dans les milieux musicaux de l’époque, il se disait que Jimmy PAGE était tombé dans l’héroïne et que John BONHAM était devenu une épave suite à ses excès d’alcools en tous genres.
Tout ça ne laissait présager rien de bon.
Et effectivement, il n’y eut pas de miracle.
IN THROUGH THE OUTDOOR s’est avéré une véritable catastrophe du début jusqu’à la fin.
J’ai écouté cet album des dizaines de fois après sa sortie, essayant de le disséquer, de trouver l’alchimie de ses morceaux lourdingues sans aucune énergie.
J’ai persisté des nuits entières, casques sur les oreilles, mais hélas rien n’y faisait.
LED ZEP s’était complètement raté. La puissance, qui caractérisait si bien leur musique, avait totalement disparu.
Aucun morceau n’est à sauver. Tout est mauvais.
Ce qui choque le plus dans cet album, c’est l’absence de PAGE. Sa guitare est distante, ses solos quasiment absents. Ce sont PLANT et JONES qui composent la majorité des titres.
Le comble du ridicule est atteint sur FOOL IN THE RAIN, un genre de Salsa-disco nauséabonde. Mais comment un tel groupe a-t-il pu s'embarquer dans une telle galère ?
Il y a également HOT DOG, un ridicule Rockabily Country, sur lequel PLANT imite le style Elvis Presley.
La 2ème face commence par CAROUSELAMBRA, un morceau de 10 minutes, dominé par les synthès de JONES, avec tout de même un petit pont en milieu de morceau, au cours duquel PAGE nous livre son seul passage de guitare intéressant du disque.
ALL MY LOVE est certes une belle mélodie, mais ce genre de chanson n’aurait jamais dû figurer sur un album du groupe, à la rigueur, tout au plus sur un album solo de Robert PLANT.
On termine sur I’M GONNA CRAWL, sorte de blues réchauffé et gravement pompé sur SINCE I’ VE BEEN LOVING TOU ou TEA FOR ONE.
Même le morceau d’ouverture, IN THE EVENING est complètement raté, alors que la marque de fabrique du groupe était d’aplatir tout le monde après 2 titres.
Malgré cela, l’album fut plutôt bien accueilli par la presse spécialisée, BEST et ROCK’ N FOLK en faisant même leur disque du mois. Je me souviens avoir lu dans une des 2 revues :
« Si PHYSICAL GRAFFITI avait été triple, IN THROUGH THE OUTDOOR aurait pu être le 3ème disque ».
On n’a pas dû écouter le même disque !
Après 2 concerts en Angleterre en août 79, LED ZEP allait cependant repartir sur les routes en 80, avec une tournée européenne d’une douzaine de dates, et un show raccourci ne dépassant pas 2h15.
L’idée était de jouer les morceaux tels qu’ils figuraient sur les disques, sans ajouts de solos interminables, revenant ainsi à un rock basique et sans fioriture.
Ainsi, avaient été supprimés de la liste les NO QUARTER, DAZED AND CONFUSED et MOBY DICK qui à eux trois, avoisinaient les 90 minutes.
Le show commençait par TRAIN KEPT A ROLLIN’, puis s'enchaînait avec NOBODY’S FAULT BUT MINE, mais s’enlisait ensuite, à cause de la faiblesse des nouveaux morceaux et une très mauvaise version de RAIN SONG.
Après KASHMIR, le spectacle se terminait sur ROCK’N ROLL, WHOLE LOTTA LOVE, et HEATBREAKER. La version de STAIRWAY TO HEAVEN était très irrégulière et le solo de Jimmy PAGE beaucoup plus lent que lors des précédentes tournées.
J’ai vu 2 concerts de cette tournée, à Zurich et à Munich, qui restera d’ailleurs à jamais comme étant l’avant dernier concert donné par Led Zeppelin.
Je suis resté sur ma faim. Il est vrai que l'absence de monuments comme NO QUARTER, IN MY TIME OF DYING ou OVER THE HILLS AND faisait cruellement défaut.
Pourtant, en écoutant récemment les bootlegs de Bruxelles, Francfort, Vienne et Berlin, on constate que le groupe jouait encore très bien, surtout quand il y avait des anglais dans la salle. Ils improvisaient à nouveau, et des morceaux comme TRAMPLED UNDERFOOT (écoutez la version à Vienne, ça atteint le sublime), WHITE SUMMER, STAIRWAY ou WHOLE LOTTA LOVE redevenaient alors terriblement... Zeppeliniens.
Mais la faiblesse des morceaux du nouvel album suivis de THE RAIN SONG plombaient lourdement le milieu du concert.
Malgré ces quelques sursauts, la messe fut dite quelques semaines plus tard, lorsque John BONHAM s’étouffa dans son vomi, et fut retrouvé mort au petit matin ayant suivi la 1ère journée de répétitions du groupe en vue de leur 12ème tournée américaine, qui devait débuter en septembre de cette même année 1980.
L'annonce de la séparation de LED ZEPPELIN fut faite le 4 décembre 80.
Allelujah.
J-Luc





