DEEP PURPLE – BURN – 1974 - Deep Purple Mark III
1973 est une année capitale dans la carrière de DEEP PURPLE.
Depuis son dérapage vers le Hard Rock amorcé en 70, suite au coup de force de Ritchie Blackmore, le groupe vient d’enchaîner 3 albums majeurs comptant parmi les pierres angulaires de la discipline, à savoir IN ROCK en 70, FIREBALL en 71 et enfin l’album de leur consécration, le fameux MACHINE HEAD début 72.
Ces 3 années sont bien sûr remplies par des tournées incessantes à travers le monde (pas moins de 5 tournées aux USA en 72), dont le point d’orgue reste la fameuse tournée d’août 72 au Japon, ponctuée par le sempiternel MADE IN JAPAN.
Pourtant tout ne va pas au mieux au sein du groupe, et les relations entre Blackmore et le chanteur Ian Gillan ne font que se détériorer.
Blackmore se considère comme l’élément le plus important du groupe et Gillan n’est absolument pas d’accord avec ça, et lui fait savoir. Le conflit est devenu officiel et pollue grandement le futur du groupe.
Lorsqu’il s’agit donc de se retrouver en studio à Rome en juillet 72 afin de travailler sur le successeur de MACHINE HEAD, l’ambiance n’y est plus. Chacun enregistre dans son coin, et ces sessions n’accouchent que de 2 titres WOMAN FROM TOKYO et PAINTED HORSE.
Blackmore travaille clairement sur son projet solo, BABY FACE, et garde ses meilleures idées pour lui.
S’ensuit la fameuse tournée au Japon, puis un long British Tour, et le groupe se retrouve en studio en Allemagne cette fois, dans la région de Francfort, afin de terminer l’enregistrement de ce qui va devenir l’album WHO DO WE THINK WE ARE. Gillan et Blackmore ne se parlent plus, et afin d’éviter un clash majeur, le groupe décide d’enregistrer séparément les parties guitares et vocales.
Vu les conditions dans lesquelles évolue le groupe dorénavant, Ian GILLAN décide alors de quitter DEEP PURPLE et le fait savoir à EMI, qui tente de le faire changer d’avis par tous les moyens. Mais GILLAN ne revient pas en arrière et confirme bien qu’il quittera le groupe le 30 juin 73. Lorsque le groupe apprend la nouvelle, BLACKMORE est également sur le point de partir, mais il change d’avis à condition que le groupe accepte de remplacer Roger GLOVER, le bassiste, dont il pense qu’il ne correspond pas à l’orientation que veut prendre le groupe par la suite.
L’album, qui sort finalement en mars 73, est d’un niveau nettement inférieur aux 3 albums précédemment cités et n’apporte absolument rien de nouveau. Il est clair que DEEP PURPLE est en stagnation totale. Certes, le groupe joue toujours très bien et des morceaux comme WOMAN FROM TOKYO, RAT BAT BLUE ou OUR LADY sont très bons, mais le reste est ennuyeux, voire nauséabond avec pour exemple le titre MARY LONG. On est très loin du niveau atteint sur MACHINE HEAD. Le comble est qu’une des meilleures Chansons, PAINTED HORSE, n’est pas retenue malgré l’insistance de Ian GILLAN.
Le groupe part pourtant en tournée en Angleterre puis aux USA et termine enfin par un 2ème séjour au Japon, qui seront pour Gillan et Glover leurs dernières participations en tant que membre de DEEP PURPLE.
Ian GILLAN part épuisé, et avouera au moment de la formation du Ian Gillan Band en 77, qu’il n’a pas écouté un seul disque pendant 2 ans.
Quant à GLOVER, il trouve que son éviction est injuste et choquante. Il part contre son gré, dégoûté et se tourne vers la production.
Il est évident de penser que Blackmore a réussi un véritable putsch au sein du groupe et qu’il en devient de ce fait le leader incontesté. Il ne va d’ailleurs pas rester inactif, car il a dans l’idée de remplacer Gillan par le chanteur du groupe FREE, fraîchement séparé, Paul RODGERS, qu’il considère comme le meilleur chanteur du moment. Il veut également que ce dernier participe à son groupe Baby Face pour lequel il espère également engager Phil LYNOTT de Thin Lizzy.
Mais Paul RODGERS refuse la proposition pour 2 raisons, la 1ère étant que la musique de Purple ne lui correspond pas, et la 2ème étant qu’il est sur le point de monter une nouvelle formation de FREE qui deviendra finalement BAD COMPANY avec Simon KIRKE (Ex FREE) et Mick RALPHS (Ex MOOT THE HOOPLE).
Cette décision déçoit profondément Blackmore qui n’a pas l’habitude de se voir refuser ce genre de proposition, mais il a déjà une autre idée en tête.
Lors de la dernière tournée US, les 3 membres de Purple ont assisté à un concert de TRAPEZE au Whisky A Go Go à Los Angeles, et le jeu de basse, pourtant Soul et Funky et donc à l’opposé du style Purple, de Glenn HUGHES les a fortement impressionnés. L’idée est donc de faire venir Glenn HUGHES, en tant que bassiste mais aussi en tant que chanteur. Cette proposition est validée par Ian PAICE et John LORD et Glenn HUGHES, après avoir dans un 1er temps refusé, accepte l’offre de rejoindre DEEP PURPLE à l’été 73.
Sa 1ère expérience avec le groupe se passe seul chez Blackmore où les 2 musiciens commencent à travailler sur ce qui va devenir le colossal MISTREATED. Le courant passe immédiatement et Ritchie est conquis par le jeu souple, mais vigoureux de HUGHES.
Toutefois, l’idée de tourner à 4 musiciens ne plaît guère à la maison de disque qui insiste pour engager un chanteur soliste. Le groupe fait alors volte-face et devient persuadé que le fait d’avoir 2 chanteurs au sein du groupe, aux timbres différents, apportera quelque chose d’inédit que les autres concurrents ne possèdent pas.
Une annonce est donc publiée comme quoi PURPLE cherche un nouveau chanteur en remplacement de GILLAN, et ajoute, chose assez rare, que les débutants sont acceptés.
La maison de disque reçoit des dizaines de cassettes de démo de candidats.
En écoutant ces démos, le groupe est interpellé par un certain David COVERDALE, totalement inconnu puisqu’il n’est même pas musicien professionnel. Il a choisi un morceau de Harry NILSSON, le fameux EVERYBODY’S TALKIN’ ayant servi à la BO du film Macadam Cow-Boy.
Après audition, COVERDALE est officiellement engagé fin septembre 73 alors qu’il fête ses 22 ans.
En vue des concerts, le groupe lui fait suivre un régime et porter des lentilles de contact, afin de soigner son look.
Il est vrai qu’il n’est pas facile de succéder à GILLAN, dont le physique plaisait beaucoup aux groupies qui le comparaient à Jim MORRISON.
Les répétitions pour le nouvel album débutent le 9 septembre à Clearwell et se poursuivent à Montreux chez Claude NOBS avec le Rolling Stones Mobile Unit.
Martin BIRCH, le producteur signale une osmose exceptionnelle entre les musiciens et une envie folle de jouer ensemble contrairement à l’album précédent.
Tous les musiciens sont au top de leurs formes et les 2 nouveaux apportent une fraîcheur régénérante et donnent cette touche de Funk Bluesy au Heavy Rock de Purple.
L’album, intitulé BURN, est bouclé en novembre et sort en janvier 1974.
C’est un disque fabuleux auquel on a droit et je pense sincèrement que BURN est le meilleur album de Deep Purple. Tous les titres sont magnifiques, inspirés et variés. Il y a un souffle nouveau sur Burn qui surpasse tout ce qu'ils avaient produit avant.
Et puis surtout, il y a 2 moments incroyables, qui deviendront des classiques de leur répertoire en concert : BURN qui ouvre l’album et MISTREATED, 2 chansons au rythmes très différents.
BURN est porté par le riff d’ouverture de Blackmore qui se répète tout au long des 6 mn que dure la chanson, et par 2 solos lumineux, le 1er signé de la guitare de Blackmore et le 2ème joué sur l’orgue de John Lord parmi ses tous meilleurs. Dès les 1ers accords de ce riff démoniaque, on sait que Purple a gagné la partie et que rien ne pourra nous décevoir.
BURN prendra la place dorénavant d’ HIGHWAY STAR comme morceau d’ouverture de leurs concerts jusqu’à la dissolution du groupe en avril 1976.
MISTREATED est l’autre monument du disque. Il est à Blackmore ce que DAZED AND CONFUSED est à Jimmy PAGE. Placé à la fin du disque, joué sur un tempo lent et sur un rythme Bluesy, avec des parties de guitare toutes plus sidérantes les unes que les autres, il est l’œuvre de Blackmore seul. Il avoue avoir composé ce titre à l’époque Mark 2, mais il l’a gardé en réserve persuadé que ce titre n’était pas fait pour Deep Purple du temps où Gillan en était le chanteur. Peut-être le réservait-il pour son projet Baby Face et Paul Rodgers ?
Toujours est-il que la qualité de la nouvelle formation, avec Coverdale et Hughes, l’incite à sortir ce trésor des oubliettes. C’est l’unique morceau de Burn sur lequel Coverdale chante seul et il en signe d’ailleurs les paroles. A chaque concert, ce morceau est donné en pâture au bon vouloir du guitariste qui en fait le point d’orgue du spectacle en se livrant à des improvisations sans cesse renouvelées, et dont la durée atteint parfois 16mn.
Le reste du matériel livré sur Burn est tout aussi réjouissant. Chaque titre fait mouche. On retrouve sur MIGHT JUST TAKE YOUR LIFE la verve de Woman From Tokyo avec à nouveau un travail remarquable de Lord aux claviers. Sur LAY DOWN STAY DOWN, au rythme très funky, c’est Blackmore qui signe un solo de guitare diabolique qui semble s’éterniser et se renouveler sans cesse. Quelle classe !
SAIL AWAY, joué sur un rythme mid-tempo assuré par la basse de Hughes, aurait également pu être chanté par RODGERS ; c’est en effet du FREE pur jus.
La face 2 commence par YOU FOOL NO ONE qui devient lui aussi un morceau de bravoure sur scène avec de multiples solos de batterie, guitare et orgue. WHAT’S GOING ON HERE voit Richie passer à la guitare slide avant de donner le relais à Lord pour un exercice au piano
des plus jouissifs.
L’album se termine par un excellent instrumental, A-200, joué sur un rythme de Boléro et dominé par le synthétiseur multi pistes de John Lord.
Avec un tel album en poche, le groupe est bien sûr impatient de repartir en tournée afin de voir la réaction des fans à propos de la nouvelle formation. Dès le mois de décembre 73, Deep Purple joue en Scandinavie puis en Europe et s’embarque pour un US Tour de 5 semaines dont une tête d’affiche à la California Jam à Ontario, avec ELP, Eagles et Black Sabbath, devant plus de 200.000 spectateurs.
Quel chemin parcouru par le jeune David Coverdale qui 6 mois plus tôt était totalement inconnu !
NB : Vous pouvez retrouver également cette chronique ici :
Chronique BURN
J-Luc



