WISHBONE ASH – ARGUS – 1972 - Touché Par La Grâce
ARGUS a été élu meilleur album 1972 par les lecteurs de SOUND et MELODY MAKER, devant MACHINE HEAD. On peut dire que c'est largement mérité pour ce groupe "maudit" qui a signé ici son meilleur album.
Les musiciens sont grandioses et les solistes Andy POWELL et Ted TURNER placent des parties de guitares hallucinantes sur des superbes mélodies et avec des changements de rythmes incessants.
ARGUS est un disque d'une richesse rare, réalisé par des musiciens en état de grâce, que ce soit au niveau des compositions, qui sont toutes très inspirées, qu'au niveau des instrumentations, qui ont fait de WISHBONE ASH un groupe taillé pour la scène.
L'habilité de leurs 2 guitaristes y était pour beaucoup.
Il y a sur ARGUS tous les morceaux de bravoure du groupe, qu'ils interprêtaient à chacun de leurs concerts, en commençant par BLOWIN FREE, puis THE KING WILL COME ou encore THROW DOWN THE SWORD ou WARRIOR.
Pourtant, les meilleurs titres, ne sont pas ceux-là, et personnellement, je préfére de loin les 3 autres : Le magnifique TIME WAS qui ouvre l'album, avec son intro magique à la guitare acoustique, jouée par Andy POWELL tout en picking, suivi d'une longue cavalcade de plus de 6mn, ponctuée par un duel de guitares, dont WISHBONE ASH avait le secret.
J'ai d'ailleurs comme dans l'idée que LYNYRD SKYNYRD a beaucoup écouté WISBHONE ASH avant d'enregistrer FREE BIRD. Pour cela, il n'y a qu'à prêter l'oreille sur le 2ème morceau d'ARGUS, qui pour moi en est le sommet, SOMETIME WORLD, qui est tout simplement délicieux d'un bout à l'autre, et avec à nouveau un duel des 2 guitaristes mémorable, et magnifique. On atteint l'exceptionnel sur ce titre, et c'est vrai, qu'il y a incontestablement un côté "sudiste" sur leur façon de terminer leurs chansons. Après un début très tranquille sur lequel les roucoulades des 2 chanteurs rappellent Crosby, Stills and Nash, le solo de guitares qui s'en suit, joué ici par TURNER et POWELL fait en effet partie des tous meilleurs jamais exécutés par un groupe de rock, et peut être comparé aux 4 mn éternelles de Jimmy Page lorsqu'il s'envole sur STAIRWAY TO HEAVEN, ou à Mick TAYLOR et son incomparable démonstration de virtuose sur TIME WAITS FOR NO ONE ou encore à Carlos SANTANA et Neil SCHON, incendiant carrément leurs instruments sur SONG OF THE WIND, ou même à Rusty BURNS sur l'épique GREAT WHITE LINE, sans oublier enfin Buck DHARMA, définitivement diabolique sur son VETERAN OF THE PSYCHIC WARS.
Oui, c'est bien à toutes ces références absolues, que peut être associée la partition de guitares de SOMETIME WORLD.
Le 3ème sommet de l'album est une superbe ballade acoustique, LEAF AND STREAM, dont on ne se remet jamais totalement tant c'est inspiré et mélodieux.
ARGUS est un disque à déguster au casque, tard le soir; c'est le genre de truc à vous faire oublier tous vos soucis.
Hélas pour WISHBONE ASH, le groupe n'a jamais obtenu le succès qu'il méritait, sans doute du fait que son impact aux USA fut anecdotique. En Angleterre, il tournait beaucoup dans les clubs et les collèges et devint rapidement l'un des groupes anglais les plus accomplis du moment, mais leurs disques restaient inégaux.
Ainsi, WISHBONE FOUR, le successeur d'ARGUS en 73, est à des années lumière du niveau de ce disque. C'est dur de retomber sur terre, après avoir tutoyé les anges.
Dans la foulée de WISHBONE FOUR, ils ont publié un très bon double live intitulé LIVE DATES, disque adulé par les fans, sur lequel on retrouve tous leurs grands titres, y compris le très planant PHOENIX.
Ted TURNER, le guitariste fondateur quitta le groupe en 74, au moment où WISHBONE ASH essaya de percer aux Etats Unis, où ils s'installèrent d'ailleurs quelque temps, afin d'échapper au fisc, imitant en cela les Stones. Il fut remplacé par Laurie WISEFIELD, jeune guitariste très doué, qui avait joué dans le groupe anglais HOME (Après WISHBONE, il joua dans le groupe de Tina TURNER). Il s'ensuivit 3 disques très moyens qui décontenancèrent les fans de la 1ère heure.
Toutefois,de retour en Angleterre, ils sortirent un sensationnel album en 78, intitulé NO SMOKE WITHOUT FIRE, que je considère comme le meilleur album sorti cette année-là. Il avait succédé au déjà très bon FRONT PAGE NEWS fin 77, qui contenait le hit GOODBYE BABY HELLO FRIEND.
J'ai écouté cet album des dizaines de fois, sans jamais me lasser, ni des mélodies, toujours très inspirées chez eux, ni surtout des parties de guitares sidérantes de POWELL et WISEFIELD, qui finalement avait su insuffler un nouveau souffle au groupe, qui en avait bien besoin après le départ de Ted TURNER.
Le coup fatal fut porté en 81 avec le départ de Martin TURNER, un des 2 chanteurs du groupe, et également le bassiste. Il fut remplacé par John WETTON, qui jouait à peu près dans tous les groupes à l'époque; Après la fin de CRIMSON en 74, Il s'était essayé dans FAMILY, URIAH HEEP, puis avait fondé UK, et enfin il intégra WISHBONE ASH pour un album catastrophique, NUMBER THE BRAVE, qui mit fin à la carrière du groupe, bien que WISHBONE continua longtemps à tourner, sans WETTON qui lui, avait formé son calamiteux ASIA entre temps.
J'ai assisté à 3 de leurs concerts à des périodes différentes, et à chque fois, ce fut un vrai régal; c'était un groupe très généreux, qui respectait son public très sélecte. Mon seul regret fut de ne pas les avoir vus dans leur formation originale.
ARGUS demeure un classique dans le rock des seventies, et sa pochette inquiétante, signée Hipgnosis, a grandement contribué à l'attrait du public pour cet album. A noter qu'en Grec antique, Argus représente un géant aux 100 yeux pour monter la garde.
PS : Lorsque j'étais étudiant à la fac des sciences de Strasbourg, nous avions une chaîne Hi Fi, qui appartenait à l'Amicale, et tous les jours entre 13h00 et 1400, nous passions des disques dans un amphithéatre de la rue Blaise Pascal, et ce disque, ARGUS, a beaucoup tourné.
La récente réédition CD est très bonne, mais ils ont supprimé de la pochette, le fameux "Flying saucer". Allez savoir pourquoi.
J-Luc

Oh let the sun beat down upon my face, stars to fill my dreams...