Keith Jarret

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gipath
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Re: Et Keith Jarret ...?

Message par gipath »

Quelqu'un a t-il écouté Yesterdays avec Peacock et DeJohnette?
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flatcap45
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Re: Et Keith Jarret ...?

Message par flatcap45 »

Le dernier mauvais Keith JARRETT que j'ai écouté était LUMINESSENCE, ça commence a dater un peu, tu peux donc y aller les yeux fermés et les oreilles ouvertes! :bjr:
Rien n'est vrai, mais tout n'est pas faux... H. PRATT


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Bouarb
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Re: Et Keith Jarret ...?

Message par Bouarb »

flatcap45 a écrit :Le dernier mauvais Keith JARRETT que j'ai écouté était LUMINESSENCE, ça commence a dater un peu, tu peux donc y aller les yeux fermés et les oreilles ouvertes! :bjr:
+1 :ok:
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Gnus
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Keith Jarrett

Message par Gnus »

Salut à vous,

J'avais envie de vous parler d'un vrai prodige du piano.
Ces infos viennent de wikipedia...

Keith Jarrett (né le 8 mai 1945) est considéré comme l'un des plus importants pianistes de jazz vivants. Pianiste, organiste, claveciniste, saxophoniste, flûtiste, guitariste, percussionniste, chef d’orchestre et compositeur, il est notamment reconnu pour ses improvisations virtuoses au piano, inspiré autant par de nombreux styles musicaux - notamment la musique classique romantique tout en conservant l'esprit du jazz.

Il est né à Allentown en Pennsylvanie aux USA et a grandi dans une famille d'immigrés (son père était britannique et sa mère hongroise). Il a commencé à prendre des leçons de piano dès l'age de trois ans et a donné son premier concert à neuf ans. À partir de douze ans il jouait occasionnellement en tant que musicien professionnel.


Les jeunes années
Keith Jarrett a grandi en étudiant la musique classique, puis il a découvert le jazz à l'adolescence et a immédiatement excellé dans ce style. Il quitte sa ville d'Allentown et s'installe à Boston où il obtient une bourse pour étudier au Berklee College of Music et jouer du piano dans les bars.
Après environ un an, il part pour New York en 1965 où il travaille dur pour attirer l'attention des autres musiciens. Il a l'occasion de jouer au Village Vanguard où Art Blakey le remarque et lui propose de jouer avec sa formation, les Jazz Messengers.
Après quelque temps, il quitte le groupe pour devenir l'un des membres du Charles Lloyd Quartet durant deux ans (« Dream Weaver » et « Forest Flower »). Cette formation ne dure pas mais lui permet de faire la connaissance de Miles Davis qui l'entend jouer dans un Club de New York. Jarrett constitue ensuite un trio avec le contrebassiste Charlie Haden et le batteur Paul Motian ("Life Between the Exit Signs", « Restoration Ruin » et « Somewhere Before »). Puis Miles Davis le persuade de jouer du clavier dans sa formation dans laquelle on retrouve un certain Chick Corea également aux claviers.
Jarrett abandonne après quelque temps pour se lancer dans une carrière en solo.


Les concerts en solo et le quartet européen
A la fin des années soixante il joue dans un quartet américain avec le percussionniste Paul Motian, le bassiste Charlie Haden et le saxophoniste Dewey Redman (une douzaine de disques enregistrés jusqu’en 1977). Dans les années soixante-dix, il forme le Quartet Européen avec le saxophoniste Jan Garbarek, le bassiste Palle Danielsson et le percussionniste Jon Christensen (quatre disques jusqu’en 1979).
En 1973 Keith Jarrett commence la série de ses fameux concerts en solo. Ces concerts étaient entièrement improvisés et il est difficile de les qualifier de concerts de jazz ou de musique classique tant il excelle à mélanger les genres. C'est à cette époque qu'il enregistre entre autres les albums « Solo Concerts », « Köln Concert » (1975) et « La Scala » (1995). Il explique que ses meilleurs concerts ont eu lieu lorsqu'il avait le moins d'idée préconçue sur ce qu'il allait jouer l'instant d'après. Le dernier concert en Solo (édité en CD : « Radiance » datant d'une des nombreuses représentations données au Japon courant 2004) s'approche de la qualité du fameux «Köln Concert» précédemment cité. Et puis une magnifique série [ Sun Bear Concerts ] de concerts donnée au Japon regroupés dans un coffret superbe de plusieurs CD où son improvisation est portée à son comble.
En même temps que sa carrière de musicien de jazz, il poursuit une carrière de musicien classique. Il interprète des pièces pour orchestre (In the Light, 1973 ; The Celestial Hawk, 1980), de la musique de chambre (Bride of Light, 1993) ou pour clavecin (Book of Ways, 1986). Il enregistre également « Le clavier bien tempéré » (1988 et 1991) et les Variations Goldberg (1989) de Bach et « 24 Préludes et Fugues » de Chostakovitch.


Les trios
Déçu par le monde de la musique classique, il se tourne à nouveau vers le Jazz. Le bassiste Gary Peacock l'invite avec le percussionniste Jack DeJohnette pour l'enregistrement d'un album avec uniquement des standards. L'album s'appelle « Tales of Another », début d'une longue serie d'enregistrements où Jarrett prendra désormais la place du leader. Le trio a continué à enregistrer jusqu'à aujourd'hui, donnant naissance à de nombreux enregistrements de qualité tel « Bye Bye Blackbird - A tribute to Miles Davis », « The Cure » et « Standards, Volume 2 ». Le trio fait régulièrement des tournées mondiales et de nombreux concerts ont été enregistrés comme « Still Live » et « Up For It - Live at Juan Les Pins ».
Keith Jarrett joue aussi du clavecin, du clavicorde, de l'orgue, et du saxophone . On peut l'entendre jouer de ces instruments notamment sur les albums « Sprits » , « Invocations », et « Spheres ». L'un des traits caractéristiques de Keith Jarrett est l'expression vocale de ses émotions et ses mouvements de danse lorsqu'il joue. On les retrouve dans ses improvisations solo au piano et dans les enregistrements de jazz mais pas dans les enregistrements classiques.


Les années récentes
Vers la fin des années 90, Keith Jarrett souffre d'une maladie diagnostiquée comme un Syndrome de fatigue chronique, ce qui l'empêche de sortir de chez lui durant de longues périodes de temps. Ce n'est que récemment que son état de santé s'est amélioré et qu'il a enregistré un nouvel album : « The Melody at Night, With You ». Contrairement à ses enregistrements précédents, sur cet album il joue du piano solo ni classique ni entièrement improvisé mais reprend des vieilles mélodies et des standards.
En 2004, Keith Jarret a reçu le Léonie Sonning Music Award. Cette distinction prestigieuse est habituellement décernée à des musiciens et compositeurs classiques. Une seule fois elle a été remise à un musicien de jazz : Miles Davis. La première personne a recevoir ce prix en 1959 était Igor Stravinsky.

Voili pour un premier post... La discographie suivra pour ceux que cela intéresse
<:)

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GVTahiti
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Re: Keith Jarrett

Message par GVTahiti »

+1, Gnus

Voilà longtemps que je ne remettais plus la main sur le Köln Concert (sans doute prété à un indélicat ... il me restait la boite vide du CD :| ), je viens de le racheter et, sur du naim ... :super:

Gérald <:)
Gérald

Il faut deux ans pour apprendre à parler et toute une vie pour apprendre à se taire ...
La parole est d'argent, le silence est d'or mais c'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule, si ??
La vie est trop courte pour écouter triste ... ou en silence !!! :mdr3:
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Gnus
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Re: Keith Jarrett

Message par Gnus »

Mais avant de revenir sur sa discographie, voici un article de L'Express de 2005, Le magicien, par Paola Genone.

Après un long silence, le pianiste revient avec Radiance, un album solo enregistré en 2002 au Japon, lors de deux concerts totalement improvisés. Il a reçu L'Expressmag, en exclusivité, dans son repaire du New Jersey

A une heure et demie de route de New York, un chemin sinueux, au milieu des bois et des lacs, mène à une grande propriété entièrement grillagée. C'est là, dans le New Jersey, que Keith Jarrett se cache. Sur le portail en fer qui l'isole du reste du monde, une plaque indique: «Caution. No trespassing! (Attention, ne pas franchir!)» Derrière une fenêtre, au loin, le pianiste scrute l'arrivée de ses visiteurs.

Il est 14 h 50, rien ne se passe. Mais le fax de confirmation de l'interview avait le mérite d'être clair: «Mr Jarrett accepte de vous rencontrer chez lui. Le rendez-vous aura lieu à 15 heures précises. Ne soyez ni en retard ni en avance.» On le sait, Keith Jarrett a la réputation de ne pas se laisser approcher facilement. Toutes sortes de légendes courent sur cette résidence secrète, que seuls de rares intimes ont eu le privilège de visiter. Ainsi, en franchissant le seuil de la maison, accueillis par Anne Rose, sa femme, on espère voir cette fameuse pièce aux baies vitrées, où le pianiste aurait installé deux Steinway face à face, l'un blanc, l'autre noir. On ne la verra jamais... Elle n'existe pas. Mais cet après-midi exceptionnel passé en sa compagnie vaut bien plus que la visite d'une pièce imaginaire. Car si Keith Jarrett a un don, c'est bien celui de surprendre. Ce qu'il fait depuis toujours.


1ere partie
«A chaque fois, je bâtis une architecture, et je dois la détruire»

Dès l'âge de 3 ans, il prend des cours de piano et écrit des partitions. A 8 ans, il donne son premier concert classique, dans sa ville natale d'Allentown, en Pennsylvanie. Il y interprète Grieg, Bach, Mozart... et conclut par deux compositions personnelles, dont l'une intitulée Conscience in the Zoo. «A l'époque, j'improvisais déjà», dit-il. A partir des années 1960, sa carrière s'apparente à une mosaïque d'expériences, menées avec une rare exigence artistique. Il passe du classique au jazz, des enregistrements sur orgue, avec Miles Davis, à l'interprétation des Variations Goldberg sur clavecin, sans que jamais l'on puisse lui reprocher la moindre légèreté.

Aucun autre musicien n'a autant assimilé et intégré le répertoire savant et profane de ces trois derniers siècles. Aucun ne mérite, plus que lui, le titre d'improvisateur. Son magnifique concert en solo de Cologne en 1975 - le disque de piano le plus vendu au monde - ou ses improvisations en trio avec Gary Peacock et Jack DeJohnette, ne sont que les fragments d'une œuvre qu'il n'a pas fini de composer. Jarrett dit connaître les jours fastes, mais jamais les jours fériés. Rien ne l'arrête, pas même l'extrême souffrance provoquée par une maladie qui l'a cloîtré chez lui, pendant des années, l'empêchant de jouer, et définie, par les médecins, comme le «syndrome de la fatigue chronique».

«L'improvisation est la seule façon d'être fidèle à soi-même»

Il a désespéré, il a accepté, il s'est battu, il s'en est sorti. Depuis 1999, il a recommencé à enregistrer avec son trio et à se produire en public. Aujourd'hui, l'homme est souriant, ironique, plein de vie. Le 8 mai, il a fêté ses 60 ans et s'offre le plus grand rêve auquel un artiste puisse aspirer: se surprendre lui-même. Huit ans après la parution de son dernier disque en solo, La Scala, Keith Jarrett sort un double album, Radiance, enregistrement de deux concerts donnés au Japon, en 2002. Il s'agit sans doute de la plus aboutie de ses conversations avec l'instrument. Oublié le Köln Concert. Ces cent quarante minutes de musique font de Jarrett un pianiste de l'extrême et un musicien d'une solidité rassurante. Dans le plus profond silence de la salle, il joue une symphonie totalement improvisée, explorant toutes les «planètes harmoniques», passant d'adagios d'une lenteur quasi brucknérienne à des pics d'une vitesse vertigineuse, allant du classique à la musique contemporaine, du flamenco au jazz et au blues.

Il dit aimer la musique plus qu'autre chose. Mais ce n'est pas vrai. Dans son bureau, les disques renvoient aux livres, les livres aux tableaux, les tableaux aux fenêtres... que Jarrett ne ferme jamais. Dans sa bibliothèque, on remarque les écrits de Georges Gurdjieff, philosophe et occultiste français d'origine russe (1877-1949). Gurdjieff a influencé Jarrett au point que le pianiste lui a dédié un disque, Sacred Hymns. Gurdjieff enseignait que l'homme «ordinaire» est un être endormi et que seul un travail de méditation lui permet d'atteindre un certain niveau de conscience. De fait, l'état d'éveil de Keith Jarrett est surprenant. Intimidant, presque. D'ailleurs, c'est lui qui pose la première question.

Je vois des dizaines de pages de questions dans vos mains... Vous allez me les lire?

Non... C'est juste un canevas.
Bon, parce qu'autrement je vais vous répondre par écrit.


2e partie
«La conscience, c'est ce qui donne vie à la musique»

Je dois donc improviser?
Vous avez bien vu ce qui est marqué sur l'affiche accrochée au chêne dans mon jardin: «Wild life crossing the road (La vie sauvage traverse le chemin)».

C'est votre manifeste: l'improvisation...
Oui. C'est la seule façon d'être présent et fidèle à soi-même.

Au milieu des années 1960, Miles Davis venait écouter tous vos concerts. Un soir, au club Caméléon, à Saint-Germain-des-Prés, il vous a demandé: «Comment fais-tu? Comment peux-tu jouer à partir de rien?»
Je m'en souviens très bien. Je lui ai répondu que je ne savais pas. Mais, en réalité, la question qui se pose est plutôt de savoir si un musicien conçoit le «rien» comme un «manque de quelque chose» ou comme «un plein» qui surgit spontanément. Quand je me suis assis au piano, lors de ces deux concerts au Japon, je n'avais aucune idée de ce que j'allais jouer. Pas de première note, pas de thème. Le vide. J'ai totalement improvisé, du début à la fin, suivant un processus intuitif. Une note engendrait une deuxième note, un accord m'entraînait sur une planète harmonique qui évoluait constamment. Je me déplaçais dans la mélodie, les dynamiques et les univers stylistiques, pas à pas, sans savoir ce qui se passerait dans la seconde suivante. Mais la musique ne naît jamais de la musique; ce serait comme dire qu'un enfant naît d'un enfant. Rien ne se crée à partir du rien. La musique est l'aboutissement d'années de travail et d'écoute, et cela est plus évident encore quand la création est faite dans l'instant.

«La question est de savoir si le "rien" est un "manque de quelque chose" ou un "plein"»

Vous voulez dire que l'improvisation est plus complexe qu'on ne l'imagine?
Je dirais même qu'il s'agit d'un genre musical en soi. Lorsque je pense au concert de Cologne mais, surtout, à ceux du Japon, je m'aperçois qu'au moment où je joue il y a trois personnalités qui cohabitent en moi: l'improvisateur, le compositeur et le pianiste. L'improvisateur est là, assis au clavier, se fiant à sa capacité à trouver un chemin musical qui le conduise de A à B. Il n'a cependant aucune idée de ce que B va être, car B est suggéré par A. Ensuite, il y a le compositeur qui envoie du matériel sonore à l'improvisateur, si ce dernier a momentanément perdu le flux ou s'il est en panne d'idées. Il devra donc s'empresser de suggérer un B, en employant son bagage culturel et son savoir. En quelque sorte, le compositeur est une base de données. Quant au pianiste, c'est l'exécutant. Il faut qu'il soit à l'écoute des deux autres et qu'il accomplisse sa mission: être à la hauteur technique afin de réaliser ce qu'on lui demande, donc savoir gérer le doigté, le style, l'interprétation des silences. Il doit aussi être attentif à ce qui se passe dans son corps: prévenir les crampes aux doigts, ne pas oublier de respirer...


3e partie
«Un artiste ne devrait pas avoir de préjugés»

Cela implique une vaste connaissance des styles musicaux, de la technique pianistique et une immense prise de risque.
La maxime de l'improvisateur est: la sécurité en dernier. Il suit la «pensée du tremblement». Voilà pourquoi, souvent, pendant mes concerts, je danse avec le piano, je me lève, je me penche en arrière, je me lance sur les cordes. Les docteurs me disent que c'est très mauvais pour mon dos et, c'est vrai, je souffre de douleurs pénibles, mais ils ne savent pas ce que je vis. Le compositeur, lui, est plus sage: il a passé sa vie à écouter et à étudier tous les styles musicaux. A l'âge de 18 ans, je jouais dans des pianos-bars pour payer mes cours de musique à la Berklee School. C'est à ce moment-là que j'ai appris les standards. Jusque-là, je ne connaissais que le classique. Enfin, le pianiste est celui qui juge, car il écoute les deux autres. Son boulot est d'exécuter même lorsqu'il n'est pas d'accord.

Qu'entendez-vous par là?
Parfois, le compositeur et le pianiste ne sont pas d'accord avec l'improvisateur. Je vais l'expliquer par un exemple concret: lors d'un des concerts de Tokyo, à la fin d'un morceau, une note aiguë - un mi - a résonné dans la salle. Cette rémanence fortuite m'a donné l'inspiration pour débuter le morceau suivant. La note me paraissait si belle que j'y revenais sans arrêt, même si, selon les règles classiques, le contexte harmonique n'était pas adéquat. Plus tard, en réécoutant la bande, je me suis dit que si j'avais été au piano, en train de composer, j'aurais immédiatement censuré ce mi. Et pourtant, cette note fait toute la magie du morceau.

«En musique, on construit des monuments d'architecture pour, ensuite, les abattre»

Il y a énormément d'improvisation dans les chants grégoriens, dans la musique pour orgue du XVIIIe siècle, dans la musique polyphonique et baroque. Pourquoi cette pratique s'est-elle perdue dans le classique?
Je viens de ce monde et je sais que, chez ces gens-là, on n'accorde pas à l'improvisation le respect qu'elle mérite. On en a peur, terriblement peur! Et il y une autre raison: la jalousie. Les pianistes classiques sont envieux de ceux qui peuvent s'asseoir au piano et construire un discours musical riche, sans partition. Un improvisateur a la possibilité d'apprendre à se connaître, de creuser en lui-même pour découvrir sa propre musique. Les pianistes qui ne font qu'interpréter sont des robots: au début, ils sont conditionnés, puis ils se forgent leur maniérisme. Mais, en réalité, ils ne font rien pour eux-mêmes, à part développer un immense ego. Le public reconnaît leur interprétation mais, eux, ils ne savent pas qui ils sont. Je me souviens d'un enregistrement que j'ai fait pour la radio d'un concert de Samuel Barber. A la fin de la séance, on me demanda de rejouer la mesure 161 pour corriger une erreur. Cette mesure est placée au moment le plus extatique et passionné de l'œuvre. Comment peut-on la rejouer sans être des automates?

Pourtant, vous avez enregistré de nombreux disques du répertoire classique: Mozart, Chostakovitch, Beethoven...
Bien sûr, et je n'arrête pas de les écouter et de les rejouer. Mais je voudrais dire ceci aux puristes: si je joue du classique, je ne dois pas penser, alors que si j'improvise mon esprit doit être totalement présent et actif. Quand je me rends compte que mon état n'est pas propice à l'improvisation, je prends une partition de Bach et je fais ce que Bach me dit de faire. Le dernier des grands interprètes que j'aie connus était Arthur Schnabel, qui n'était pas un orthodoxe de la fidélité à la partition. Le fait d'étaler autant de versions différentes d'une même œuvre sur la table le poussait à s'en forger une de plus: la sienne. Quant à ses fausses notes, elles n'étaient que les prérogatives de son génie. A ce sujet, Schnabel disait avec beaucoup d'humour: «Le problème du piano, c'est que chaque bonne note est située entre deux mauvaises.»


4e partie
«L'énergie dépensée par un musicien ne lui est jamais restituée»

Vous voulez dire que tout commence par des erreurs?
Et avec l'accident. Souvent, l'accident de l'improvisateur devient une couleur de plus sur la palette du compositeur. Lorsque j'étais enfant, j'ai entendu mon frère Chris, qui ne connaissait rien à la musique, jouer au piano des choses qui m'ont bouleversé. Il se lançait sur l'instrument sans avoir aucune idée de ce qu'il était en train de faire, en suivant exclusivement son émotion. Le résultat était «a-musical», et pourtant extraordinaire. Pendant des années, j'ai cherché à retrouver cette zone musicale que Chris avait créée accidentellement. J'ai voulu apprendre à provoquer des accidents de façon consciente. Faire des erreurs, être maladroit. Je me disais: «Qui es-tu pour juger de ce qui sonne juste ou faux?» Tout cela, non pas pour dégrader mon jeu, mais pour découvrir de nouveaux univers, que j'ai enfin trouvés dans Radiance. Il ne s'agit donc pas d'accidents venant du hasard... Gurdjieff disait que l'homme est gouverné par la loi du hasard et de l'accident, mais qu'il peut renverser cette réalité en s'observant. Ces accidents musicaux sont le résultat de mon parcours philosophique.

La légende veut que vous ne prépariez jamais vos concerts...
Pour la première fois de ma vie, avant mes prestations au Japon, j'ai étudié pendant des mois. Le concert de Cologne, qui, à l'époque, avait été pour moi un acte de liberté, était devenu ma cage. J'ai dû le tuer. En musique, on construit des monuments d'architecture pour, ensuite, les abattre. C'est ainsi qu'on avance. Donc, avant ces deux concerts, j'ai voulu me défaire de mes stéréotypes. Je me mettais au piano en étant conscient de ce que je ne voulais plus entendre, mais sans savoir encore ce que je voulais entendre. Cela a pris des mois: je revenais toujours à mes vieux clichés. Dès que j'en entendais un arriver, je m'arrêtais... et recommençais. L'exercice a été épuisant. Mais il m'a permis de découvrir quelque chose d'extraordinaire!

Quoi donc?
Une partie de moi qui n'avait jamais eu la possibilité de s'exprimer jusqu'à présent: ma main gauche. Je l'utilisais comme on le fait dans le jazz, tel un instrument d'accompagnement qui va jouer des lignes de basse, des ostinatos, des accords. Dans les concerts du Japon, ma main gauche improvise avec la même virtuosité, la même liberté que la droite. Je la regarde, je la sens, elle me surprend de plus en plus.

Etes-vous très exigeant avec vous-même?
Je suis un bourreau de travail et ma santé en a fait les frais. Lorsque j'étais malade, je regardais le piano pendant des heures, sans même pouvoir le toucher. J'ai alors commencé à parler à ma maladie: «Je sais que tu es là, mais je vais continuer mon œuvre.» Je suis guéri, j'ai changé. Un exemple: les Japonais ont beaucoup toussé pendant ces deux concerts. Avant, je serais devenu furieux. Mais là, je me suis inspiré de ces sons pour jouer. Et j'ai gardé le bruit de ces toux dans l'enregistrement.

Pourrions-nous voir vos pianos?
Allons-y...

Nous entrons dans une salle pleine d'instruments. Au centre, ses trois pianos et son clavecin japonais sont recouverts d'un drap. Keith Jarrett s'approche du clavecin, sur lequel il a enregistré les Variations Goldberg. Il le découvre. S'assied. Et se lance dans une longue improvisation.

:super:

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philhifi
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Re: Keith Jarrett

Message par philhifi »

Salut Stéphane , <:)
Un peu de culture dans ce monde de brutes .... :mrgreen: , on voit de suite la passion qui t'habite lorsque tu parles de "Keith Jarett" , je comprends et j'acquiesce , et je suis preneur pour la suite ...... :super:
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Gnus
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Re: Keith Jarrett

Message par Gnus »

GVTahiti a écrit :+1, Gnus

Voilà longtemps que je ne remettais plus la main sur le Köln Concert (sans doute prété à un indélicat ... il me restait la boite vide du CD :| ), je viens de le racheter et, sur du naim ... :super:

Gérald <:)
Une référence en effet à posséder dans sa discothèque...
Nous écoutons actuellement Melody at night with you, c'est exquis avant de se coucher.

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philhifi
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Re: Keith Jarrett

Message par philhifi »

Tu écoutes beaucoup de musique avant de t'endormir , ou tu te couches très tôt ? :]
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PascalB
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Re: Keith Jarrett

Message par PascalB »

philhifi a écrit :Tu écoutes beaucoup de musique avant de t'endormir , ou tu te couches très tôt ? :]
C'est peut-être un coffret 4 CD ? :mrgreen:
Quand le sage montre la lune, l’abruti regarde le doigt.
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Gnus
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Re: Keith Jarrett

Message par Gnus »

J'en suis à mon 5eme CD ce soir.
1) A. Forcione, Acoustic Revenge
2) R. Carter & J. Hall, Telepathy
3) T. Encho, Someday my prince Will come
4) M. Petrucciani, Conference de Presse
5) K. Jarrett, Melody at night

6) Pour la suite de la soirée ou de la nuit tout dépendra de Wafette...
(possible aussi que l'on se couche tard :mrgreen: ) ;)
<:)

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Re: Keith Jarrett

Message par Gnus »

PascalB a écrit :
philhifi a écrit :Tu écoutes beaucoup de musique avant de t'endormir , ou tu te couches très tôt ? :]
C'est peut-être un coffret 4 CD ? :mrgreen:
:mrgreen:
Malheureusement non, 1 seul petit CD d'une soixantaine de minutes...
C'est un mélange de Classique et de Jazz, une perle...

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philhifi
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Re: Keith Jarrett

Message par philhifi »

Gnus a écrit : T. Encho, Someday my prince Will come
C'est pour toi , ou pour elle ???? :]
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Gnus
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Re: Keith Jarrett

Message par Gnus »

philhifi a écrit :
Gnus a écrit : T. Encho, Someday my prince Will come
C'est pour toi , ou pour elle ???? :]
Chutt... En fait c'est pour ma fille... qui croit encore au Prince Charmant :happy1:

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Baskerville
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Re: Keith Jarrett

Message par Baskerville »

Pour moi, Keith Jarrett est un pianiste indispensable un musicien, au filling incroyable.
En trio avec DeJonnette et Peackock, il n'a produit pas loin que des chef d'œuvre, en tous les cas un tas de moments d'émotion irremplaçable.
Au piano solo, des albums que je connais, nous sommes devant un pianiste qui cherche la voie pour donner de l'émotion aux auditeurs:
Le "concert de Cologne" est un joli exemple:
En vinyl, il s'etend sur quatre faces, mais je l'ai souvent écouté en "dématerialisé":
ll se passe un temps infini pour que Jarrett trouve ses notes, ses accords qui vont faire que la magie opère.
De long moments ou les notes semblent n'avoir aucun rapport entre elle, des accords à deux balles que ne renierai pas Claydermann, et ou l'auditeur se demande ce qu'il fout à être dans la salle ou à écouter le concert sur sa chaine.
C'est un peu comme un film dont on ne comprend pas où le metteur en scène veut en venir, mais on va néanmoins jusqu'au bout pour voir s'il va nous berner ou bien se casser la gueule ("Usuals suppects" par exemple).
Sur le vinyl, c'est sur la face trois que tous se déclenche: la musique s'envole, les accords se succèdent, il enrichi ses accords à la Claydermann pour nous amener loin dans la musique.
La face quatre est la conclusion de toutes cette recherche.

On pourrait croire que pour simplement écouter de la bonne musique, il suffirai d'écouter que la face trois, mais la est le piège: la face trois ne tient QUE parce qu'il y a deux autres faces avant.

Tiens, ça me donne envie d'écouter Claydermann!

:mdr2:
"Every Joke Is Half The Truth"
Scary Mansion


Roksan Radius 5 / Ortofon MC Quintet Black S / IMac27 alu / AE / Micromega CDf1 / Micromega Duo Pro2 / NAC 102 / DualTeddyCap III / AR Sound / NAP 140 / ProAc Responce D1 --> MusiqueS
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