A la demande générale ... (je vous épargne l'introduction et la section technique) :
Système d’écoute et rodage
La source pour le Supernait2 a été le DAC de Naim alimenté en mode S/PDIF par le lecteur à disque dur UnitiServe, avec une alimentation linéaire externe de marque Teddy Pardo. Le câble DC1 de Naim (BNC – BNC) fut utilisé pour relier les deux composantes sources. Pour relier le DAC au Supernait2, le HiLine de Naim me paraissait trop explicite au début de l’écoute et j’ai opté pour un câble d’interconnexion DIN-DIN de BIS Audio. Après une très longue période de rodage du SuperNait2 (>300 h), je suis revenu au câble d’interconnexion de Naim. Quant aux câbles d’enceintes, j’ai effectué plusieurs allées-retours entre le NAC A5 de Naim et le Vivat de BIS Audio, préférant au bout du compte le Vivat en raison de sa plus grande finesse dans les aigus, mais surtout en raison d’une connexion plus intime avec la musique. Comme enceintes, j'ai utilisé les Argon 3 d’Amphion (moyennes deux-voies) et mes deux-voies de facture maison (grandes colonnes). J'ai utilisé le câble d'alimentation secteur fourni avec le Supernait2, celui-ci offrant un niveau de performance largement suffisant.
Naim conseille une période de rodage de 200 à 250 heures, mais mon expérience avec cet intégré m’indique qu’il s’agit d’un minimum. Tout neuf, le Supernait2 montre des moments de grande beauté, suivi de moments de dureté qui n’avantage pas les mauvais enregistrements. Donc, au début on joue au yoyo avec la télécommande. Cet effet s’est estompé avec le rodage, mais n’est pas disparu. L’appareil à maintenant environ 350 heures de rodage et je détecte encore une toute petite pointe de dureté. Elle se manifeste peu et seulement si l’enregistrement n’est pas à la hauteur. Est-ce le son de l’appareil ou la vérité de l’enregistrement révélée par l’appareil ? Je penche actuellement vers la deuxième hypothèse, ce qui serait congruent avec le caractère généralement « sans fard » de Naim, mais c’est un élément à suivre, car il est possible que le rodage ne soit pas encore terminé. Donc, lors d’un essai chez vous, assurez-vous que l’unité empruntée soit très bien rodée.
Écoute
En ce moment le violon de Monica Hugget m’amène avec grand intérêt à travers les
Mystery Sonatas de Heinrich Ignaz Biber et j’y découvre des mélodies et des tempos insoupçonnés. C’est n’est pas le meilleur enregistrement de violon que je connais, mais la musique est irrésistible. Cette cinquième semaine d’écoute ne fait que renforcer mon respect pour le travail accompli par les concepteurs, ingénieurs et autres oreilles averties chez Naim dans cette nouvelle mouture du Supernait. Je ne vous inonderai pas avec les détails du déroulement des séances d’écoute, préférant plutôt vous livrer quelques impressions marquantes.
Quiétude et découverte
La première impression que livre le Supernait2 est d’un grand sentiment de quiétude, ce qui témoigne, je crois, de l’efficacité de l’alimentation régulée par composantes discrètes. Le niveau de bruit de fond est réellement baissé. Le début de nombreuses plages de musiques est marqué par un silence total, à un point tel que je me demandais parfois si j’avais oublié d’appuyer sur « Play ». Mais dès que la musique commence, il ne peut y avoir de doute de la pertinence de l’alimentation à composantes discrètes. On discerne nettement mieux les nuances d’intensité et de timbres. On gagne définitivement en aisance d’écoute. Le résultat est un accès facilité à des pièces de musique autrement plus difficiles d’approche. À titre d’exemple, le Supernait2 m’a habilement dirigé à travers les trois suites pour violoncelle de Benjamin Britten, interprété par Timothy Hugh, un œuvre que j’appréciais peu auparavant. Ce phénomène s’est répété à maintes reprises lors des séances d’écoute. Il y a eu aussi des surprises. Sur la deuxième plage du disque
Is a Woman de l’ensemble Lambchop, je me demandais ce qui arrivait à la voix de Kurt Wagner, qui paraissait soudainement mal enregistrée. Je ne l’avais pas remarqué auparavant, mais après vérification sur un autre amplificateur, c’était la vérité. Le Supernait2 avait raison.
Le temps
Si la musique est « l’art d’arranger les sons dans le temps », la reproduction de cet art doit avant tout permettre de retrouver tous les indices les plus subtils du mouvement temporel des sons, le moment précis de l’attaque d’une note, la microhésitation du pianiste avant de frapper une touche ou le relâchement tardif d’une corde pincée. Les composantes audio n’ont pas toutes la même capacité de résolution à ce niveau - appelons cela la résolution temporelle - mais c’est l’aspect que Naim a toujours privilégié. À ce titre, le Supernait2 est particulièrement doué. Je retrouve un sentiment d’organisation accrue dans la musique, une résolution temporelle de haut niveau qui permet de rejoindre la musique autrement cachée derrière ce qui me semblait auparavant n’être que des sons manquant d’organisation. Petit exemple, à l’écoute des œuvres d’artistes de musique électronique telle Amon Tobin ou We, ce qui me semblait être des assemblages d’effets sonores se révèle avec le Supernait2 comme des panoramas sonores structurés, qui dévoilent des sens, puis des mélodies et, enfin, des rythmes. Qui sait, peut-être que le Supernait2 me livrerait enfin les secrets derrière l’abstraction de certaines musiques actuelles ?
La maîtrise du temps démontrée par le Supernait opère sur tous les tempos. Ne partez pas avec l’impression que cet intégré est un monstre rythmique seulement. Oui, donnez-lui du techno et il va vous clouer à votre fauteuil (ou vous amenez sur la piste de danse) avec une précision métronomique. Mais, écoutez une œuvre introspective et lente et remarquez comment la pièce s’étire, comment il y a de l’espace entre les notes, comment le temps ralentit et comment on rentre dans la musique. S’il est vrai que le temps accélère à mesure que l’on vieillit, voilà une belle façon de préserver ce qui nous en reste.
Le grand talent des électroniques Naim est leur capacité de saisir le rythme dans la musique et de s’y agripper avec une ténacité hors du commun. Une soir, je me suis laissé bercé par le Supernait2 dans les nombreuses sphères de beauté des
Sonates a tre de Giuseppe Tartini, interprétés par Enrico Cassazza et l’ensemble La Magnifica Comunita. Le lendemain, j’étais encore sous l’effet de ces sonates. Que les effets persistent à ce point est un phénomène que je vis suite à certains concerts, mais assez rarement lors de l’écoute à domicile. C’était un moment révélateur des talents du Supernait2.
Tonalité et imagerie sonore
Malgré une petite réticence dans les fréquences moyennes, le Supernait2 affiche une tonalité assez neutre. Il ne s’impose pas sur la musique, adoptant plutôt le caractère de l’enregistrement qu’il reproduit. Il n’embellit pas les mauvais enregistrements, mais, grâce à sa haute résolution, permet tout de même d’écouter à travers les défauts. Le Supernait2 me paraît un peu plus lumineux, je dirais même joyeux en comparaison avec mes références actuelles (l’ensemble Naim NAC 82/HiCap/250), ce qui correspond à mes expériences au concert. Cette luminosité n’est pas aussi perceptible que celle que l’on retrouve sur certains amplis à lampe ou sur les électroniques sans couplage en courant continu à leur étages de sorties (par exemple, Heed et ses ancêtres Nytech et Ion Obelisk), mais est intéressante. Du côté des basses du Supernait2, si je dois nuancer, elles me paraissent un peu plus tendues et mieux définies en comparaison avec mes références. Là aussi, leur rendu correspond à mes expériences au concert.
La spatialisation sonore n’a jamais été un point de vente chez Naim, et on ne déroge pas à la règle ici. La largeur et la hauteur de la scène sonore sont bien adéquates, mais elle ne dépasse pas allégrement le plan des enceintes. Cependant, il y a une excellente distinction des plans sonores dans l’espace crée, et à plusieurs reprises j’ai été surpris par des notes et des voix que je croyais venir d’ailleurs dans la maison, pour me rendre compte qu’elles étaient dans l’enregistrement. Il s’agit d’un détail, mais c’est un indice de la capacité du Supernait2 à capter l’attention, à surprendre et de ce fait séduire l’auditeur.
Rehausseur de sources
La section préamplificateur du Supernait2 me paraît particulièrement bien soignée. Mon indicateur est la capacité de l’appareil à rehausser la qualité apparente d’une source. Par exemple, au cours de ce banc d’essai j’ai aussi utilisé deux lecteurs CD pour alimenter le SN2, en occurrence le CDX de Naim et un Micromega Stage 2. Dans les deux cas, ma première réaction fut de me dire « je pourrais facilement vivre avec cette combinaison ».
C’est le même phénomène constaté lors du banc d’essai du préampli Linar Audio, pendant lequel j’avais aussi utilisé le lecteur CDX avec beaucoup de succès. C’est étonnant de voir à quel point on peut sous-estimer la qualité d’une source jusqu'à ce qu’on la relie à un préamplificateur de haut niveau. Même les fichiers MP3 en bénéficient et c’est le poste de radio internet Otto’s Baroque qui m’a convaincu. En fait, j’avais laissé jouer ce poste lors du rodage, mais la musique me captivait de plus en plus. Le Supernait2 me confirme de nouveau que le préampli est le véritable cœur d’un système de haute fidélité.
Conclusion
Si je dois résumer le Supernait2, les termes clarté et définition, puissance maîtrisée, et lucidité musicale viennent facilement à l’esprit. Mais, il y a aussi capricieux, car ma relation avec le Supernait2 n’a pas été toujours facile. Le côté dureté qui se présentait au début de l’écoute s’est largement estompé, mais il vient parfois quelque chose qui m’éjecte de l’écoute ou amène à un désintéressement. Rodage, trait de caractère, ou simplement la vérité de l’enregistrement ? En ce moment, je n’arrive pas à conclure. Cependant, à l’instar des petits caprices d’une grande diva, ce que le Supernait2 me montre dans ses moments de pure beauté et de maîtrise totale de la musique est tellement intense et profond, que je suis prêt à les pardonner.
Verdict
Le Supernait est un retour en force aux racines d’amplification chez Naim. Les britanniques nous livrent un intégré d’une perspicacité redoutable qui vous amènera loin, très loin dans votre musique. Son caractère est simplement celui de la musique qu’il transmet. Peu importe le genre de musique ou la qualité de l’enregistrement, il traite les intentions de l’artiste avec le plus grand respect et une aisance totale pour livrer une performance qui est impossible à ignorer. Avec le Supernait2, Naim relève substantiellement la barre pour les amplificateurs intégrés. Est-ce que cet intégré peut remplacer certaines combinaisons de préamplificateur et amplificateur séparés ? A mon avis oui, mais la réponse va dépendre de ce que vous recherchez lors de l’écoute de la musique. Le Supernait2 présente une combinaison particulièrement intéressante de talents, commençant par son respect absolu du temps et des nuances d’intensité, sa neutralité dans le rendu des timbres et ce sentiment de puissance maîtrisée. Le Supernait2 se classe parmi ces composantes très haut de gamme qui nous permettent d’accéder à des musiques autrement difficiles et ainsi d’ouvrir ses horizons. Et c’est le but, non ?
Jan-Erik Nordoen
Magazine Son & Image
Novembre 2013
https://www.son-et-image.com/
PS. La petite pointe de dureté encore présente au moment de la rédaction du texte a finalement disparu, deux semaines plus tard. Des oreilles averties sur le forum Naim m'avaient indiqué un rodage de 500 heures. Ce n'est pas faux.