Les symphonies de Sibelius par Maurice Abravanel (que je ne connaissais pas) et l'orchestre de l'Utah. Enregistrement de 1977.
GROS coup de cœur. Et comme GROS coup de cœur, gros post, désolé

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1° symphonie n°2:
- c'est une interprétation très tendue, d'un bout à l'autre. Il nous attrape à la gorge et ne nous lâche plus. Il se place dans la lignée interprétative d'un Barbirolli, c'est à dire "musclé" et franc du collier.
- c'est vraiment un style américain, dans le meilleur sens du terme.
- c'est joliment articulé, aux antipodes de Jarvi (qui est aux antipodes de tout le monde d'ailleurs, et c'est pourquoi je conseille parfois Jarvi). Dans le dernier mouvement les nappes de cordes tournoient autour des bois comme des feux follets, c'est démoniaque cette articulation et cette assise de l'orchestre!!! j'avais l'impression d'écouter le Don Quichotte de Richard Strauss quand il y a la tempête qui emporte tout!!! Du grand grand art.
- c'est très puissant
Abravanel a TOUT compris de cette musique, il en fait un monument de tension à la limite du "capharnaüm émotionnel". Aller, ça va paraître rapide: la plus belle interprétation que j'aie entendu de cette seconde symphonie du Finlandais. Et pour ne rien gâcher la prise de son est limite superlative. Aucun souffle, dynamique extraordinaire, étagement des plans sonores parfait etc... etc...
2° symphonie n°1:
Brillant. Il la dirige non pas à la baguette mais avec un scalpel de chirurgien. Le tempo est un tout petit poil plus lent que ce qu'on a l'habitude d'entendre. Mais on comprend vite ce choix: il fait de la place et envoie des phrases avec des notes de fins de phrases extrêmement écourtées. C'est très marquant dans le premier mouvement, mais surtout dans le dernier. Glaçant. Ses phrases sont sèches. Définitives. Ultras courtes et ciselées. Il décortique tout, refusant une sorte d'unité. C'est la vision la plus moderne que j'aie entendue de cette symphonie. Et l'utilisation des percussions est remarquable. Sèches aussi. Mais virulentes, comme s'il nous donnait un grand coup de coude. J'ai eu l'impression d'écouter "la symphonie des icebergs s'entrechoquant sur la mer gelée de Finlande". Très marquant. Alors que le mot qui me revenais tout le temps pour la seconde symphonie était "tension", on peut parler dans cette première symphonie de "violence contenue" comme mot clef. Franchement une version de référence.
3° symphonie n°4:
C'est ma préférée, et j'ai sur cette symphonie des idées interprétatives bien arrêtées. C'est une symphonie où il faut absolument se mettre en retrait et laisser le côté éthéré de l'œuvre opérer. Surtout dans le premier mouvement, où on a au bout de quelques minutes ce passage "cosmique" où les pupitres de cordes jouent seuls, et surtout doucement. A cet égard, j'ai trouvé Barbirolli trop brut de fonderie par exemple. Le Graal ayant été atteint par Maazel/Vienne. Insurpassable je crois. Et là encore, une grande claque infligée par Abravanel. Comme je le disais il est quand même plus dans l'emphase de la version Barbirolli mais là, il contient carrément ses musiciens et nous bouleverse en acceptant et en jouant le côté de la noirceur de l'œuvre, se rapprochant cette fois de l'esthétique de Maazel. C'est très pensé comme interprétation. A mon humble avis on frise juste le génie dans cette interprétation. Encore une fois il a tout compris. Le troisième mouvement, avec son crescendo du thème central d'abord évoqué puis alimenté de nouvelles mesures, est parfait. Sans en faire trop, il bouge l'orchestre dans ce moment de la symphonie (le seul) où un peu de puissance est demandée à l'accueil. Le dernier mouvement, qui est souvent je trouve bradé par les chefs qui me donnent l'impression de le trouver plat et pas digne du reste, est ici transcendé, tout bonnement, puisqu'Abravanel replonge dans l'ascèse et l'éthéré (tout en restant lisible sur tous les pupitres) et nous glace à nouveau le sang. Encore une fois, c'est très construit, très réfléchi. Sa version se place à mes yeux au coude à coude avec Maazel (version de 1968). "Pour Sibelius, cela
(la musique symphonique) doit être le dépouillement, l'ascèse, l'expression rigoureuse de l'essentiel, l'art du non-dit et de l'aphorisme." (Wikipédia). Abravanel est pile poil dans cette optique prônée par Sibelius.
4° symphonie n°3:
La seule symphonie de Sibelius que je n'aime pas. Les premières mesures qui font ploum ploum ploum, très peu pour moi. Je me suis toujours demandé comment Sibelius avait pu tomber si bas... Je l'ai quand même écoutée. Abravanel prend le parti d'envoyer du lourd, du bien punchy, du coup ça parait bien moins ennuyeux!
Voilà, encore désolé d'avoir fait long (j'ai fais un copié/collé d'un échange en MP avec un membre du fofo qui m'avait proposé cette intégrale, juste pour voir) mais à mes yeux cette intégrale est vraiment au sommet des interprétations de la musique symphonique de Sibelius, à jeu égal avec Barbirolli. Je précise que le coffret est à 9€25 sur le marketplace... Alors à ce prix, je vous en supplie, foncez dessus!
