
Les sonates pour clavier de Mozart par Lili Kraus au piano (Dieu nous garde du pianoforte).
Jusqu'à il y a deux semaines j'étais totalement persuadé de préférer, chez les musiciens de la période classique, les sonates pour clavier de J. Haydn à celles de Mozart. Pourquoi? Difficile à dire: plus de sens de la "surprise", de la retenue, des choses non dites etc... Bon j'adorais aussi Mozart mais un poil au dessous de la production de papa Joseph.
Et puis je suis tombé sur cette intégrale des sonates du petit scato par Lili Krauss grâce au numéro de Diapason du mois dernier sur "les 100 meilleurs enregistrements de piano".
Pfiouuuuuuuuuuu! La claque!!!!!!!! C'est incroyable! Horowitz (il n'était pas le seul) disait que pour bien jouer Mozart il fallait être soit un enfant soit un vieillard. Dans les années 60 de l'enregistrement de L. Krauss, elle n'était pas dans ces extrêmes d'âges et pourtant... j'en ai des frissons rien que d'en parler, j'écoute cela en boucle, vraiment.
Que dire? Lili Krauss joue avec une simplicité et donc un naturel CON FON DANT. C'est vraiment ce qu'on entend de suite (moi du moins, à chacun ses oreilles). Elle est aussi en pleine "schizophrénie", jouant tout joyeusement cette sublime musique mais étant capable en une mesure de passer de la joie, voire de la naïveté (de très bon aloi dans Mozart) à un sentiment d'urgence et plus souvent encore d'interrogation quasi métaphasique assez anxiogène: K310 éthérée et pourtant très assurée dans le geste et la pensée, fantaisie K475 entre bonheur et douleur indicible, une K330 idéale, digne d'Horowitz en live à Moscou (en 80) dans le premier mouvement (un enfantillage joyeux sans "prise de tête") et du jamais entendu dans le second mouvement qui est si déstabilisant, "normalement mozartien" dans ses premières minutes, puis vient ce petit chant main droite, la main gauche jouant juste des doubles croches identiques "pam pam pam pam" que les pianistes jouent souvent louré (ce que fait L. Krauss, mais c'est au delà du louré, comme l'assemblage impossible du legato avec le staccato, on est pas dans un louré purement staccato, c'est ce que je veux dire).
Je pourrais vraiment vous faire une page Word pour chaque sonate tant je suis ébahi, mais par égard pour vous je vais m'abstiendre

. Pour ceux qui ne connaitraient pas, si je devais résumer, je dirais que Lili Krauss donne à Mozart des effets de surprises plus typiques de Haydn, qu'elle nous offre le Mozart tantôt si juvénile et attachant en diable des Noces de Figaro, tantôt le Mozart oppressant et cynique de certains passages du Don Giovanni, et tantôt aussi le Mozart un peu "donneur de leçons maçonniques" (je le dis dans le bon sens du terme) de le Flûte enchantée. Bref, on découvre sur ces sonates toutes très simples et sans aucun chichi le même homme ayant écrit ces opéras, et ce n'est pas rien.
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