L'intégrale (moins la 3) des symphonies de Sibelius et ses plus importantes œuvres orchestrales par Eugène Ormandy et son orchestre de Philadelphie.
Parmi mes 21 (oui 21

) intégrales des symphonies de l'immense Sibelius, pour moi les plus importantes du répertoire symphonique, tout au sommet, dans la stratosphère, la seule que je n'avais jamais écoutée était celle d'Ormandy. Juste pasque j'aime pô trop Ormandy. Mais là

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Je préfère y aller en ne donnant que des infos parcellaires sur tels ou tels passages...
Symphonie n°4, une oeuvre éthérée au possible, sombre, ou disons plutôt lointaine et lunaire. Dans ses "amours classiques" Olivier Bellamy parle de "
son dépouillement ascétique [qui] fait penser à un paysage lunaire, balayé par des vents contraires, immobile et sans présence humaine. Il faut l'écouter attentivement pour en percevoir l'intense grouillement, comme une cellule organique vue au microscope". Or donc, les meilleures interprétations sont tout de même celles qui acceptent ce côté lointain et éthéré. Mais dès le début du premier mouvement, probablement la preuve ultime du génie absolu de Sibelius, Ormandy et ses fantastiques musiciens attaquent plutôt piano au lieu de pianissimo, et le chant introductif du violoncelle, qui me fait à chaque fois regretter que le finlandais n'ait pas écrit de concerto pour violoncelle, est "assumé". Et apparaît une étrange lumière dans ces paysages cosmiques infinis, ces espaces immenses entre les étoiles, entre les galaxies, on n'y est plus totalement prostré dans le noir, les yeux fermés pour ne pas prendre trop conscience de ce vertige, Ormandy y apporte la lumière, mais celle des étoiles, bleue, glacée, mais présente. Sur le 3ème mouvement, qui présente un crescendo du début à la fin, avec un motif vaguement exposé au milieu du mouvement, et qui se répété, se dévoile à chaque fois un peu plus en présentant à chaque nouvelle exposition une mesure de mélodie de plus, et une harmonie verticale toujours plus subtile exposition après exposition, Ormandy, là encore, attaque ferme dès le début, diminuant substantiellement la sensation de crescendo. Par contre la tension est extrême, la sensation de frustration de la non résolution du motif mélodique, que Sibelius n'expose qu'une seule fois en fin de mouvement, est absolument sidérante, on ressent des frissons comme dans un film particulièrement poignant et grandiose, les cuivres très américains et volontiers puissants et exposés vous tordent le ventre... allez, je n'ai pas l'habitude de m'épancher, mais je vous le dis, j'ai pleuré à chaudes larmes... Ce mouvement pris """trop fort""" finit par remporter une adhésion totale et définitive. Le problème sera de retourner aux autres versions (re)connues, toutes aussi valables mais moins "gifflantes". Une expérience unique et rare...
Symphonie 2, celle à grand spectacle, la plus impressionnante, une symphonie que Bruckner aurait aimée! Le début est rond dans le son, dans la pâte orchestrale. C'est aussi très articulé, et là cela promet dès la première minute, tant il est important que dans le spectaculaire dernier mouvement l'articulation soit marquée. Et ce mouvement finit par arriver dans nos feuilles, tonitruant, puissant, étourdissant dans son motif "en rotation" permanente, même effet puissance au ² que la tempête du
Don Quichotte de R. Strauss. Au fur et à mesure que le motif s'élargit et accélère son tournoiement de psychopathe on est pris d'angoisse, on a du mal à respirer, réellement, et le sentiment qui finit par nous dominer est celui de la peur. La seule version comparable dans sa furie est le live de G. Szell à Tokyo 3 mois avant sa mort. C'est tout simplement ahurissant.
Dans le dernier mouvement de la 1ère symphonie, plus que des icebergs s'entrechoquant c'est un cheval au galop dans les paysages neigeux de Finlande... Les basses se déchaînent comme nulle part ailleurs dans la discographie, et ce que j'aime toujours énormément, on entend les bruits des instruments, les archets sur les cordes, des respirations et même des pistons sur les cuivres. D'ailleurs, sur tout le coffret, on est frappé par cette prise de son tout simplement parfaite, qui se hisse pour moi dans le top 5 des meilleurs enregistrements que je connaisse (la seule chose qui l'empêche d'être en top 3 c'est une spatialisation un poil de chouilla trop forte, cela est audible dans le premier mouvement de la 4ème, mais c'est histoire de dire quelque chose... c'est typiquement le type de disque qui justifie parfaitement le prix que l'on met dans nos chaines hifi).
Voilà, alors on n'en oubliera pas pour autant un Colin Davis (version LSO) plus propre et ultra raffiné, un équilibre introuvable ailleurs, un graal absolu, ou Storgards (BBC SO) qui a marqué la discographie de ces dernières années avec une intégrale un tout petit poil romantique mais dans le bon sens du terme, une intégrale terriblement humaine et nordique aussi, parfaite en terme de prise de son, ce qui ne gâche rien. Mais je suis ahuri de constater après deux semaines d"écoutes répétées qu' Ormandy se glisse sur le podium à égalité avec Davis et Storgards. Cette interprétation séduira tous les amateurs de Sibelius, mais elle rendra fou de bonheur et bouleversera les amoureux du Finlandais, en réussissant la prouesse d'être en plus le meilleur choix (par son côté démonstratif et accrocheur) pour ceux qui voudraient découvrir cette musique incroyable, dont nos petits enfants pourront témoigner dans 50 ans - je le crois sincèrement - que ces symphonies sont devenues un sommet de la culture symphonique mondiale aux côtés de Beethoven.
Merci Eugène!
Ah oui... 16€ sur Amazon... !!!!!!!!!!! un crime de ne pas acheter.