

Là encore, choix personnels, donc très subjectifs. Bah oui, j'adore les grandes œuvres chorales de Bach et ses suites pour violoncelle, les oratorios de Haendel, le requiem de Mozart etc... et pourtant ces œuvres ne font pas partie de mes choix premiers.... subjectivité disais-je

1/

Couperin: divers choix d'œuvres pour clavier. Alors oui, je sais, il eut été de bon ton de choisir une version au clavecin. Oui mais voilà, Alexandre Tharaud en donne, grâce au piano, une interprétation hors du temps. Au clavecin c'est magnifique, mais on "pense XVIIIème", on ressent "XVIIIème", on pense à des toiles peintes au XVIIIème. Cette interprétation du jeune pianiste français rend ces œuvres de Couperin totalement atemporelles. Ce n'est plus de la musique du XVIIIème siècle, c'est de la "musique pour tous", rendue facile d'accès par la modernité du piano.
2/

Vivaldi: Nisi Dominus par C. Hogwood et James Bowman. Ma musique vocale favorite chez le prêtre roux. Hogwood est quand même peut-être LE chef type pour le XVIIIème siècle, amha (ses Mozart par exemple sont géniaux). Quant à Bowman, j'en suis fou, surtout depuis que je l'ai entendu en concert au début des années 90. Ce Nisi Dominus a quelque chose de profondément religieux à mes oreilles, plus que les autres œuvres religieuses de Vivaldi comme son magnifique Stabat Mater. La partition est vraiment tournée vers ce Dieu auquel certains croient. Donc cela me touche, c'est aussi "tourné vers le divin" qu'une Passion de Bach, alors que Vivaldi était nettement moins obsédé de l'idée de Dieu que J.S. Bach. Et tant qu'à écrire une partition religieuse, autant qu'elle nous emmène pour de bon dans des sphères religieuses. Le Nisi Dominus? Y'a bon!
3/

Vivaldi: concerto pour flûte La Notte. Bon, quand on entend la version assez récente de Fabio Biondi avec son Europa Galante on se demande pourquoi je préfère évoquer l'ancienne version de Franz Brüggen. OK, Biondi intègre la flûte baroque dans un ensemble orchestral léger et vif, très piquant et vivant, miroitant de mille couleurs et offrant des nuances très soignées qui émeuvent au delà de tout. Alors que l'orchestre, léger aussi, qui accompagne Brüggen n'est pas, dans cette version, aussi merveilleux que Biondi, et de loin. Et puis je me suis rappelé le film de Claude Sautet "Les choses de la vie". Dans les dernières images du film on voit ce qu'a dans la tête Michel Piccoli au moment de mourir. Il s'imagine baignant dans la mer, au soleil, sous un léger vent éloignant de lui le voilier où se trouve Romy Schneider. Et Piccoli accepte et se laisse ensevelir par les eaux. Toute cette scène est accompagnée par la fin de La Notte à la flûte. OK, Biondi et ses copains sont peut-être insurpassables, mais quand j'entends la version de Brüggen, je revois systématiquement ces images de film, et je ressens à chaque fois une émotion forte, similaire à ce que je ressens en voyant le film. Brüggen aurait-il joué cela avec "un supplément d'âme"? Pour moi oui.
4/

Rameau: extraits d'œuvres diverses. Bon, un Best Of en fait! Typiquement un disque qu'on adore ou qu'on rejette. Version foot taping techno trash. Jouissif. Mais on peut rejeter, comme on peut ne pas aimer les opéras de Mozart par Cuurentzis. Même esprit.
5/

Rameau: pièces de clavecin en concerts (3 instruments). La musique de Rameau qui me touche le plus. Le clavecin de B. Rannou est magnifique, avec des basses charnues. Ces pièces en trio sont d'une évidence totale, je veux dire que cela coule tout seul, un peu comme du Telemann, mais en mieux encore

6/

Bach: Cantate BWV 82a, "Ich Habe genug". Dans cette version très dégraissée et contenant peu de nuances avec Brüggen à la tête de son ensemble. Le chanteur est merveilleux, et je préfère quand c'est un homme qui chante cette cantate (Suzuki fait chanter une femme par exemple). Là encore, il s'agit de sentiment religieux en plus de sensations musicales. D'abord, la musique est vraiment religieuse et ce texte est incroyable. "Ich habe genug": "j'ai mon comptant, je peux m'estimer heureux de ma vie alors qu'elle se termine". Bref, on est tout à fait dans l'esprit "Merci Ô d'Jézeusse" de Bach. Il faut parfois oser ajouter à la beauté musicale des œuvres de Bach le côté "Moi Bach, je rends grâce à mon Dieu". Et cela que l'on soit croyant ou pas. Je veux dire que face à une telle partition, on s'apporte soi-même quelque chose en plus si on assume d'ajouter le sentiment religieux à la beauté musicale pure, car c'est ce que Bach a voulu. C'est un biais interprétatif et "analytique" de plus, à ne pas forcément négliger même si l'on a pas la foi.
7/

Bach: l'œuvre pour luth jouée à la guitare baroque à 10 cordes par Stephan Schmidt. LE disque Bach absolu pour moi. Ce son de guitare avec des basses d'orgue, comment est-ce possible?!
8 /

Bach: Sonates et Partitas pour violon seul par N. Milstein. Bah oui, je préfère le violon seul de Bach au violoncelle seul de Bach. Et puis cette foutue Chaconne... Milstein joue cela avec une sorte de volonté de fer mêlée à de l'humilité!? Drôle de sensation que ces deux aspects musicaux apparemment antinomiques soient réunis. Un grand disque.
9/

Bach: Variations Goldberg par Pierre Hantaï au clavecin. En préambule, cela m'étonne toujours que des béotiens en classique citent ces variations quand on leur demande ce qu'ils connaissent de Bach. Alors que si quelqu'un me demandait un conseil pour débuter l'écoute du clavier de Bach je proposerais une musique plus simple, plus accrocheuse et facile et mélodique, les Suites Françaises au clavecin par exemple. Voilà pour l'aparté. Cette version de P. Hantaï est juste totalement équilibrée, et laisse plus de place à l'expressivité et à l'émotion qu'à la virtuosité. Et pourtant on sent qu'Hantaï a de la réserve.
10/

Bach: Concerto pour deux violons par Carmignola. Beaucoup beaucoup de peps. Le violon est vu, à mes oreilles, comme le coutelet du boucher qui découpe en coups précis et rapides ses pièces de bœufs

11/

Bach: L'Offrande Musicale par les Ghielmi et leurs amis. Plein d'instruments différents, mais peu d'instruments jouant en même temps. Version très chambriste (même si "chambriste" à l'époque de Bach ne veut rien dire). Ils jouent tous en marquant nettement le rythme et font de cette Offrande une pièce où le rythme prend autant de place que le contrepoint. Un disque pour ceux et celles qui aiment le beau son d'instruments d'époques très bien rénovés et très bien mis en œuvre. Une prise de son d'exception ne gâche rien.
12/

Bach: L'Art de la fugue à l'orgue par M.C. Alain. Juste une phrase de M.C. Alain dans un document vidéo que j'avais sur cassette de magnétoscope il y a vingt ans: "Là, dans l'Art de la fugue, Bach nous quitte, il n'est plus là, oui, il n'est plus là...."
13/

Scarlatti: pièces de clavier, au piano par Anne Queffelec dans son enregistrement paru le mois dernier, pas son vieil enregistrement des années 70. Je suis fou fan de ces petits bijoux très courts que son les pièces pour clavier de D. Scarlatti, ce sont comme de petits papillons quasi pré schumanniens! Dans ces interprétations d'A. Queffelec j'ai retrouvé la poésie et la légèreté d'Horowitz, le côté cérébral mais sans prise de chou de C. Zacharias, la lumière solaire d'Alexandre Tharaud. Mais comment Anne Queffelec a-t-elle réussi à rassembler et synthétiser en un disque toutes ces qualités? C'est vraiment incroyable!
14/

Haydn: les dernières sonates pour clavier par Gould au piano. Pour moi le meilleur disque de Gould. Petite anecdote sur ma vie, donc rien d'intéressant: j'ai tellement écouté ce disque que j'ai voulu jouer "à la Gould" le premier mouvement de l'Hob.48, une pièce assez simple en somme, avec une course à l'abîme où seule la main gauche part du médium du clavier pour aller toucher les basses, note à note, louret, alors que la main droite ne joue pas. C'était mathématique: partition pas trop ardue pourvu qu'on la travaille sérieusement. Au bout d'un an je jouais le morceau, mais comme vous vous en doutez, c'était juste de la marmelade à côté de Gould... très difficile de jouer si lentement cet Hob.48... Je l'aurais jouée à la bonne vitesse (comme Catherine Collard, géniale), ce serait peut-être passé? Tout le monde n'est pas Gould, et moi encore moins qu'un autre... alors j'ai laissé le piano fermé, et je ne l'ai presque plus ouvert. 6 mois plus tard mon beau Kawai droit était revendu. Voilà comment ce disque Gould m'a fait revendre mon instrument!
15/

Haydn: Les sept dernières paroles du Christ en croix, version oratorio par Harnoncourt. J'ai longtemps préféré la version au quatuor à cordes. Et puis cet oratorio s'est tout de même imposé. Je l'écoute souvent. Sensation de paix genre fumer du chichon (bon j'en ai jamais fumé mais ca doit faire le même genre d'effet...)
16/

Mozart: concerto pour piano n°23 par C. Curzon. La perfection totale. Le fameux second mouvement si triste? Curzon n'en fait pas des caisses, il se contente de jouer droit, simple. Une leçon de piano.
17/

Mozart: Symphonie concertante pour violon et alto par Oïstrakh et fils. "Ca, c'est tout Mozart!". Alternances de joies et de recueillement.
18/

Mozart: Les Noces de Figaro par Kleiber père. Mon opéra favori de tout le répertoire. Erich Kleiber en fait un conte pour grands enfants, plein d'humour. On a proposé plusieurs fois à Carlos (pas le chanteur obèse, pas non plus le terroriste) de l'enregistrer. Il a toujours répondu que son père avait tout dit la dessus... Venant de lui, c'est dire que l'interprétation est extraordinaire.
19/

Mozart: Messe en ut mineur par F. Fricsay. Mozart se livre plus, pour moi, dans cette Messe que dans son Requiem ou la Messe du couronnement. Fricsay est en osmose avec la musique, on en oublierait presque ce manque d'instruments et d'effectif d'époque.
20/

Mozart: symphonie n°41 Jupiterdans la toute dernière version d'Harnoncourt. Beaucoup de peps, un tempo allant, de l'énergie. Et ces ruptures tragiques du second mouvement sont au delà du poignant...