
En quête de nouvelles enceintes pour associer à un Uniti Star dans un salon de 30m2, je suis allé faire plusieurs écoutes dont je propose ici un compte rendu. Partant de Focal Aria 906, un peu trop sages et qui ont fini par m'ennuyer, puis de Linn Majik Isobarik trop gourmandes pour le Star (ce qui générait de la frustration sur bon nombre de morceaux), j'ai cherché des enceintes bien adaptées à l'ampli, pour une écoute dynamique et aérée, à volume modéré.
Pour faire les choses correctement, j'ai pris un papier, un crayon, et suis allé courir les auditoriums des alentours. Les enceintes essayées sont les suivantes (et dans cet ordre), il y a un peu de tout : Monitor Audio Silver 200, Kef R3, Davis Courbet n°4, Harbeth M30.1, JMR Euterpe Suprême, JMR Euterpe Jubilé, Athom Sirocco 2.0, Atlantis Lab AT16.
Les morceaux de référence sont les suivants (auxquels se sont ajoutés quelques autres selon les cas) : Camille (Allez, allez, allez / Ilo Veyou), Leonard Cohen (Dance Me To the End of Love / Live in Dublin), Robert Charlebois (Lindberg / Tout écartillé).
Les écoutes ont été très inégales, avec de l'excellent et du beaucoup moins bon, ce qui s'explique par les modèles écoutés mais surtout par la différence de budget (en gros de 1500€ à 3000€). Je vais coucher ici mon ressenti sur chacun de ces modèles et conclure sur ce qui selon moi donnerait les meilleures associations (attention, pas de grosse surprise à prévoir !)
Les Monitor Audio ont été plutôt décevantes : une écoute certes détaillée mais très sèche. La musique manque de matière, ça manque beaucoup de chair autour des notes. La dynamique est moyenne, pas beaucoup d'émotion sur les voix et encore moins de fluidité : c'est trop haché. Et aussi ça manque cruellement d'ampleur, ça ne remplit pas la pièce.
On passe sur les Kef, des biblios qui donnent un bien meilleur résultat. On a tout de suite davantage d'ampleur, de volume. La scène sonore est très large, ce qui est assez séduisant sur certains morceaux. Malgré le faible rendement la dynamique est bonne et les voix sont très naturelles. L'écoute un peu prolongée me donne cependant un sentiment étrange d'artifice, d’esbroufe. Comme si la scène sonore, toute en volume, était "gonflée". Comme si la musique sortait des enceintes par extrapolation en quelque sorte, ce qui tend à réduire l'impact et le relief dans le registre grave. On m'a conseillé d'ajouter un caisson mais je n'ai pas essayé.
Dernière écoute pour cette première session avec les Davis. Une belle ampleur, des détails et une bonne dynamique, mais un sentiment qui s'installe rapidement de grave un peu gonflé. L'écoute manque de cohérence et d'équilibre. Ce sont des enceintes qui peuvent séduire sur les premiers morceaux, et en donnent beaucoup plus que leur taille, mais c'est presque trop : la grenouille qui se fait plus grosse que le boeuf en quelque sorte. Pas beaucoup d'émotion non plus.
La deuxième session est consacrée exclusivement à l'écoute des Harbeth. Une petite folie, mais après tout, faut pas mourir idiot ! Sur les premiers morceaux, Camille et Cohen, c'est très joli, de belles voix, mais pas vraiment la claque attendue eu égard à la réputation de ces enceintes. C'est une écoute très neutre, très équilibrée, très bien mais sans plus.
Par contre sur le troisième morceau il se passe quelque chose. Le titre de Charlebois est assez particulier, ça raconte une histoire d'amour, avec ses hauts et ses bas, qui se termine comme un crash d'avion, dans la douleur et le chaos. Et c'est en effet un chaos instrumental qui conclut la chanson, une sorte de cacophonie un peu brouillonne. Du moins c'est ce que j'avais entendu jusque-là sur toutes les enceintes que j'avais pu écouter. Et puis avec les Harbeth, tout d'un coup le chaos n'est plus du tout brouillon. C'est difficilement descriptible comme sensation car la cacophonie est toujours là mais c'est comme si les instruments avaient fini par se trouver les uns les autres, c'est le désordre qui vient de s'ordonner, de trouver une direction.
Cette écoute m'intrigue et je passe sur d'autres morceaux, du classique et du jazz, des titres que je connais aussi, mais un peu moins. Eh bien tout est différent encore une fois. Sur des cordes chez Grosvenor c'est extraordinaire de limpidité, chez Jacky Terrasson c'est extraordinaire de dynamisme. Sur un grand orchestre du Jazz Album de Shostakovich, c'est extraordinaire de lisibilité. L'ampli n'est pas surpuissant, les enceintes ne sont pas des colonnes énormes, mais il n'y a aucune frustration dans l'écoute. Tous les registres fonctionnent de concert avec une impression de fluidité et de naturel qui fait couler la musique.
La troisième et dernière session commence avec les JMR Euterpe. On commence sur l'ancien modèle, les Suprême. L'écoute me plaît beaucoup sur le moment : un bel impact, une scène sonore en volume mais réaliste (contrairement aux Kef), ça joue très bien, c'est doux et enveloppant. Pas exactement ce que je cherche, j'ai peur de finir par m'ennuyer comme avec les Focal.
Les Jublié sont très différentes, surtout dans le haut : c'est beaucoup plus détaillé et dynamique, plus varié. C'est très bien équilibré, avec une belle ampleur sur tous les morceaux écoutés (de la chanson au classique et au jazz).
Derrière, les Athom ne font pas le poids. Il manque de tout par rapport aux JMR, et surtout de l'émotion. C'est plus sec, pas mauvais et équilibré mais la comparaison avec les JMR ne tient pas.
Enfin, on passe sur les Atlantis Lab, des enceintes à haut rendement, très bien pour une écoute à faible volume. C'est extrêmement dynamique, on ne s'ennuie pas ! Pas besoin de pousser le volume pour avoir des sensations. C'est punchy, c'est séduisant sur les premiers morceaux, mais une écoute prolongée risque d'être fatigante.
Les Euterpe Jublié me laissent une excellente impression. Ces enceintes cochent tous les critères : des détails, de l'ampleur, un bon équilibre et une bonne cohérence entre les registres. Ce serait les enceintes idéales.
Oui mais il y a les Harbeth...
Les Harbeth sont moins spectaculaires, elles remplissent moins l'espace que les JMR, et pourtant il y a quelque chose qui reste gravé dans ma mémoire, un petit voyant rouge qui me dit "qu'est-ce que ça donnerait ce morceau sur les Harbeth ?"
Les Harbeth ont une manière de faire de la musique qui n'a pas eu d'équivalent dans mes écoutes. C'est plus un ressenti général qu'un avis basé sur des critères objectifs. L'objectivité me conduirait vers JMR : elles font tout très bien. Mais elles sont un peu comme un élève qui aurait appris par coeur sa leçon pour la répéter parfaitement. Alors que les Harbeth paraissent au-dessus de ça, elles ont une sorte de facilité naturelle à jouer qui en fait oublier la leçon, une spontanéité et une aisance qui relève davantage du don que de l'application besogneuse.
J'ai choisi les Harbeth pour cette raison, pour ce je-ne-sais-quoi qui me donne envie de les écouter sur tous les morceaux, juste pour "voir ce que ça donne". Si les JMR c'est le confort, le choix de la raison en quelque sorte, les Harbeth vont m'apporter cette petite touche de surprise qui va me donner envie de les garder, le choix du coeur
