Naitssance a écrit :Dis-donc, tu te la pète pas un peu là ?
j'rigole, bravo
Le Ventoux, moi je préfère le regarder de loin depuis mon terrain de jeu pour VTT qui est à 410m d'altitude
Non! non! je devisais simplement comme à une terrasse sur le Vieux Port
Je plaisante aussi, ça retranscrit surtout la peur que j'avais. Je relate...
Je suis parti à 3:15 la peur me nouant les tripes. Depuis la veille, je le voyais du bas et il était tellement plus impressionnant que dans mon souvenir. Je m'étais inscrit dans cette aventure en fin d'année dernière, avant d'avoir mon vélo, avant même de le commander, alors que je décidais que je me mettrai au triathlon. J'ai envoyé cette inscription, un peu comme un défi que je me lançais, sauf que je pensais avoir le vélo un peu avant et pouvoir m'entraîner davantage. Je n'ai jamais fait de vélo de route, du vtt, mais c'était il y a très longtemps.
Les défis, c'est bien joli, mais lorsqu’arrive le moment de les relever, c'est un peu différent, et au pied du Ventoux, je me sentais un peu idiot. Mon inquiétude était d'autant plus grande que deux jours auparavant, dans une revue cycliste présentant les grandes ascensions françaises, j'avais lu, très surpris, que le Ventoux avait la note de complexité la plus élevée. Il était réputé plus difficile que le Galibier, que le Tourmalet, que l'Alpes d'Huez et j'en passe des plus hauts.
Si j'avais su cela en décembre, jamais je ne me serais inscrit! Une chose était sûre, je ne ferai pas de reconnaissance voiture : trop peur que cela me coupe encore plus les jambes et me noue davantage les tripes.
J'ai pris la "route basse" en voiture pour aller à Mallaucène, mais ça n'a pas arrangé les choses. J'ai trouvé que ça grimpait pas mal et pourtant le col passé ne culminait qu'à un peu plus de 400m, 1500 de plus pour le Ventoux !!! Il faut ajouter à cela que plusieurs fois dans la journée, les membres de ma petite famille, impressionnés également par la masse du géant de Provence et inquiets, m'ont dit que j'étais fou et que je n'y arriverai jamais.
Donc 3:15, départ. Je check les points positifs : il fait 18º en bas, mon beau vélo "furtif", ma tenue noire et blanche avec mes chaussures argentées, certes un peu gâchée par le gilet fluo imposé pour des raisons de sécu. J'assume mon coté un peu dandy...
Je laisse partir tranquillement tout le monde devant moi, je ne suis pas très à l'aise en peloton. Cela fait à peine deux mois que je roule et presque toujours seul, avoir quelqu'un devant, à droite, à gauche, derrière à moins de 30cm n'est guère rassurant. La route s'élève tout doucement, je suis un groupe pendant les tout premiers km, le rythme est cool. Au bout d'un moment je trouve que je mouline trop, ce n'est pas mon rythme. J'en change, j'accélère un peu et je vais "coller" à d'autres un peu plus loin. Je fais cela plusieurs fois avant de trouver quelqu'un dont le rythme me semble adapté. Il est rigolo, car parfois il parle tout seul (assez fort), mais je ne comprend pas bien ce qu'il dit. Il parle de route et je crois entendre aussi des prénoms. Dans la nuit, en train de grimper, c'est un peu surréaliste. Il a un accent et CH est inscrit quelque part sur ses fesses: un suisse. Je me dis que les cotes, il doit connaître, vu que chez lui il n'y a pas beaucoup de plat.
Et ça monte, j'ai le bon rythme, pas trop difficile en fait, en tout cas, beaucoup moins que l'idée que je m'en faisait. Je pense que l'obscurité facilite grandement l'ascension : on ne voit pas ce qui nous attend, d'un point de vue psychologique, c'est plutôt bien. Je trouve que l'effort s'apparente à rouler avec un bon vent plein nez, et cela je connais un peu.
Au bout d'un moment, je comprends pourquoi mon suisse parlait tout haut, il finit par retrouver deux copains, il les cherchait. Peut-être pensait-il au début que j'étais l'un d'eux et peut-être l'ai-je énervé en ne répondant pas!!! Maintenant ils sont trois, quatre avec moi et on grimpe un peu plus vite. Ce n'est pas pour me déplaire, je trouve que ce nouveau rythme a un rapport avance/effort fourni, plus avantageux. Maintenant ils parlent entre eux et ils cherchent un quatrième compagnon, visiblement ils ne savent pas s'il est derrière ou devant. Et je ne le saurai pas. Nous arrivons au chalet Raynard, point marquant de l'ascension puisqu'il se situe à la fin de la partie boisée. A partir de là, le relief est dénudé, le vent présent et bien que la nuit soit encore présente on devine le sommet avec l'observatoire. Il paraît presque proche, pourtant il reste 6km, soit 1/3 à parcourir environ. La montée se fait maintenant en lacets et on voit ce qui nous attend. Surprise! la première portion se fait vent dans le dos, et ça se sent. On se repose, on a la sensation d'être sur le plat. Je descend 2 ou 3 pignons, ça va plus vite, presque facile et pourtant ça grimpe sec. Ce sera comme cela jusqu'au sommet : alternance de vent de face (là ça n'est pas facile) et vent de dos (des moments qui paraissent de répit).
Peu de temps après le chalet, sans que je comprenne vraiment pourquoi, je lâche les trois suisses. Ont-ils décidé d'attendre leur copain ? Ai-je accéléré sans m'en rendre compte ? Je ne sais pas, je monte. On voit la vallée éclairée dans le crépuscule qui commence à nous quitter : magnifique et magique à la fois.
Je monte et je rejoins un autre cycliste, on roule cote à cote et on discute un peu. Je resterai avec lui pratiquement jusqu'au bout. Dans le dernier km, son rythme le conduira une centaine de mètres devant moi et cet écart se stabilisera jusqu'au sommet.
Gag avant le sommet : une dernière épingle à cheveux et juste derrière, invisible (la route se dédouble) un méchant raidillon. Je viens de comprendre pourquoi les deux devant s'étaient bien écartés de la corde et s'étaient mis en danseuse. J'aurai du faire de même, surpris, j'ai failli tomber, à 50m de l'arrivée c'eût été dommage. heureusement j'ai déclické juste à temps et réussi à poser le pied à terre. Le bénévole posté à cet endroit (certainement pas par hasard) m'a mis une petite poussette pour que je puisse redémarrer dans le raidillon et me voilà à l'arrivée.
L'organisateur avait prévu quelques boissons chaudes et monter nos sacs avec vêtements chauds : 4 à 5° au sommet au lever du jour.
Réchauffé et couvert, je tergiverse pour savoir si je descends ou si je mets mon vélo dans un véhicule. Un des organisateurs me conseille cette solution, vu ma totale inexpérience de la descente et je suis bien prêt de suivre son avis, d'autant que je ne sais absolument pas comment freine mon vélo dans une descente aussi longue et pentue. Mais un autre trouve cela dommage, tout compte fait, moi aussi !!! et me voilà parti. Très prudemment, je l'avoue, autant personne ne m'a doublé dans la montée (ce dont je ne suis pas peu fier) autant je me suis fait dépasser par des avions dans la descente.
En bas, petit déj royal, préparé par des ménagères bénévoles : clafoutis cerise et abricots, cakes, muffins, gâteaux au chocolat et j'en passe, et aussi plein de fruits frais et secs, du jambon, du fromage… Seules les boissons chaudes ne sont pas top, mais c'est normal, en plein air pour un grand nombre de personnes, c'est ingérable. Pas de regrets donc, ah si ! ce n'est pas mon dossard qui a été tiré au sort pour gagner la paire de roues carbone Leightweight Ventoux (3100€ quand même !).
à+
Hervé.