CANNED HEAT & JOHN LEE HOOKER – HOOKER N’ HEAT – 1971 - Les Disciples et Le Maître
Nous sommes en 1970. Canned Heat est au sommet de sa carrière.
Son passage au festival de Woodstock reste un immense succès, et surtout une preuve de leur qualité énorme.
Canned Heat symbolise à lui seul la réussite du Blues Blanc.
Qu’on ne s’y trompe pas : le ‘blues boom’ anglais de la fin des sixties n’a rien à voir avec la musique que proposait les Canned Heat. Eux le Blues, ils l’ont dans la peau.
Les anglais n’ont fait que détourner le blues et cela aboutit au Hard Rock dont les fleurons en sont TYA, LED ZEPPELIN, HUMBLE PIE et CACTUS (ce dernier est américain).
Bien-sûr, il y a ceux qui sont restés fidèles au Blues Noir, comme John MAYAL, CLAPTON ou le 1er FLEETWOOD MAC, mais ces gens-là n’ont rien à voir avec le Blues délivré par Canned Heat.
Car Canned Heat a un avantage énorme sur eux dans le sens où il fait évoluer cette musique grâce notamment à l’apport du Boogie et surtout par le son, totalement novateur, qu’ils proposent.
Rien n’est plus agréable qu'entendre Canned Heat ; dès les 1ères notes, leur son se démarque de celui des autres groupes de l’époque, surtout leur façon de saturer leurs amplis qui donne un côté un peu sâle, mais tellement jouissif.
L’autre aspect novateur consiste à ne pas rester sur le même rythme pendant tout un morceau, ce qui me dérange beaucoup dans le blues noir.
On aimerait que ça démarre, et ça ne démarre… jamais ; on reste en seconde !
Canned Heat lui passe la troisième et accélère, et c’est génial.
Après le succès de FUTURE BLUES début 70, avec Harvey MANDEL à la guitare en remplacement de Henry « Sunflower » VESTINE, Canned Heat approche John Lee HOOKER afin de réaliser des enregistrements ensemble.
Le groupe n’oublie pas qu’avant de devenir célébre, ils ont commencé par apprendre des nuits entières, note pour note les vieux disques d’HOOKER et que leur FRIED HOCKEY BOOGIE est une copie conforme du BOOGIE CHILLEN d’HOOKER, développée autour du talent d’instrumentiste de WILSON, HITE et VESTINE.
HOOKER et sa maison de disques acceptent l’invitation.
Rendez-vous est pris dans le studio des HEAT. Bonne nouvelle : Vestine est de retour suite au départ de Larry 'The Mole ' TAYLOR, avec qui il s'est fâché, et qui est à l'origine de son départ du groupe mi 69 avant WOODSTOCK, départ qui perturbe énormément WILSON considèrant son groupe comme une famille.
L’album sera double : le 1er est entièrement consacré à John Lee HOOKER, seul avec sa guitare. Les HEAT l’ont installé sur une estrade et l’ont enregistré avec amour et respect.
La qualité de cet enregistrement dépasse tout ce qui a été entendu avant de John Lee HOOKER, qui est dans une forme impériale.
Son Blues est incroyablement expressif, authentique, sa voix râpeuse et éraillée, et le son de sa guitare donne un frisson électrique.
Le son de l’album est une pure merveille ; c’est simple et d’une efficacité absolue, mais ça sonne comme jamais.
A gauche, la voix du maître et à droite sa guitare !
On se croirait sur la version stéréo du FREEWHEELIN’ de DYLAN.
Le 2ème disque voit l’entrée en scène des HEAT, enfin pas tous : Bob HITE s’est éclipsé car il est assez lucide pour avoir compris qu’il ne peut rivaliser, ni avec la voix d’Hooker et ni avec l’harmonica de Wilson. Le mérite de HITE reste d’avoir été à l’origine de ce double album mythique, et le fait de voir son groupe jouer avec son maître spirituel suffit à son bonheur.
Ce 2ème disque est une totale réussite également. A la voix d’HOOKER, s’ajoute à présent le génie de WILSON à l’harmonica et celui de VESTINE à la guitare.
Le son est un vrai régal ; les guitares sont râpeuses à souhait et les amplis distorsionnent juste ce qu’il faut.
L’album s’achève sur une nouvelle version de BOOGIE CHILLEN. Tout un symbole.
Mission accomplie pour CANNED HEAT.
La pochette de l’album, sorti en février 71, nécessite également un commentaire important.
On y voit le groupe et Hooker assis, avec derrière un portrait d’Alan WILSON accroché au mur. On ne voit que lui !
Ce dernier, mille fois hélas, est mort en septembre 70, décapitant ainsi son groupe, alors en pleine gloire.
Quand on sait la fraternité qu'il existait entre les membres de ce groupe, on peut imaginer aisément le cataclysme qu'a dû représenter la perte le leur leader.
Cet album est donc sorti après sa mort. Quel plus bel hommage !
J-Luc

Oh let the sun beat down upon my face, stars to fill my dreams...