J'ai profité d'un petit séjour en Alsace pour faire la "tournée des Grands Ducs": une journée consacrée à l'écoute de trois systèmes d'exception:
Le gros système Xulyde sur MD3 d'Eddy, les Isobarik en actif avec 6X135 CB de Danielw4 et les DBL sur 2X135 olive de DDD...
XULYDE + MD3
Bischwiller est situé à 20mn au nord de Strasbourg. Petite ville paisible dans laquelle on ne s'attend pas à trouver l'enseigne d'un magasin de Haute Fidélité HDG. Les habitants eux-mêmes semblent ne pas être trop au courant de son existence…Je passe sur l'accueil irréprochable et l'apéro au Barral…

L'entrée de Synthèse au 2 rue du Rhin...
Nous avons écouté dans un premier temps les MD1 sur les grosses électroniques Xulyde (lecteur et ampli). C'est avec plaisir que j'ai retrouvé la vivacité et la spontanéité de ces "petites" enceintes, elles sont un peu "courtes" dans le bas mais la musique s'exprime librement et c'est bien là l'essentiel.
Le passage aux MD3 apporte tout de suite beaucoup plus de matière et d'assise. Les possesseurs de SBL ne seront pas dépaysés, car la parenté sonore est évidente. C'était d'ailleurs le cahier des charges d'Eddy: réaliser une "grosse" SBL. Il y parvient du reste sans peine, l'extension dans le grave m'a paru identique à ce que je peux ressentir à la maison dans moins de 10m2, sauf que l'auditorium de Synthèse doit être proche de 25m2! L'ensemble est très vivant et articulé, la distinction des plans sonores m'est apparue supérieure à ce que je peux ressentir chez moi (du moins avec le 250): les différentes lignes mélodiques ressortent sans peine, sans mise en avant ou effet d'esbroufe lié à une image surdimensionnée. Les timbres sont justes, les musiciens apparaissent naturellement devant vous et leur dialogue musical coule de source. Le système est capable d'accélérations foudroyantes si besoin, dans le même temps il y a une forme de sérénité d'absence de stress preuve d'une mise au point minutieuse et d'une grande cohérence sur l'ensemble du système. Tout cela avec un simple intégré…
Le degré de finition des différents éléments est ahurissant le souci apporté aux détails frise la maladie mentale … Un ensemble très musical issu d'un travail artisanal au sens le plus noble du terme.

L'auditorium de Synthèse, configuration dans laquelle nous avons écouté les MD3
ISOBARIK + 6X135 CB
Après un solide déjeuner chez Eddy (toujours au Baral), nous filons, accompagnés de ce dernier, dans la banlieue sud de Strasbourg. Danielw4, malgré une semaine chargée et un gros système pas vraiment encore optimisé, a eu la gentillesse de nous accueillir. Pavillon avec de beaux volumes à la décoration sobre et raffinée… A l'intérieur, il y a des systèmes partout! même les deux marmots ont leur installation dans leur chambre…
Nous débutons par l'écoute du système 3 (voir signature de Daniel) logé dans un meuble bas , sur lequel repose un écran plat. De part et d'autre du plasma les petites Heybrook diffusent une musique très douce l'ensemble est modeste, c'est un petit système mais qui est bien équilibré et très musical. Nous ne nous attardons pas.
Le temps d'avaler un café nous montons au deuxième étage, une pièce mansardée ouverte et très longue qui abrite le système 2. Là je suis plutôt affuté car ce système ressemble furieusement au mien! D'autant que Daniel emmène le CD2 du S1 pour le brancher sur le S2 en lieu et place du CDI afin que je ne sois pas trop dépaysé! Il n'y a guère que l'amplification confiée à une paire de 135CB qui diffère de chez moi.
A l'écoute je retrouve immédiatement la légèreté et l'aération typique des 135CB. Le rendu est très énergique, la musique très fluide et les timbres, notamment sur les voix, très beaux. Rapidement cependant je trouve que le son manque de poids, d'assise, bref de matière ce qui fait qu'on oublie jamais qu'on écoute de la musique enregistrée.Cela est trop éthéré à mon goût. J'ai vraiment plus de grave et de charpente à la maison ce qui rend plus crédible l'incarnation des musiciens. Il est vrai que la pièce de Daniel est importante avec des volumes ouverts sur le reste de la maison. Pas sûr que les SBL soient à leur meilleur dans ces conditions. Je pense même que des électroniques olive conviendraient mieux dans cette configuration et rééquilibrant les choses par les bas. Mais je sais que Daniel ne jure que par les Chrome

Nous descendons quelques marches pour accéder au bureau dans lequel "trône" le système 1. Le mot n'est pas trop fort car le rack de 135 en impose, sans compter les Isobarik qui ne sont pas en reste. Le tout demeure pourtant relativement sobre, et, toute proportion gardée naturellement, assez discret. C'est une pièce agréable d'environ 20m2 dans laquelle on prend plaisir à s'installer.

L'impressionnant rack de Daniel
Il nous faut quelques ajustements au début car une des enceintes nous semble trop proche d'une sous-pente ce qui génère des réflexions indésirables d'autant que les Iso diffusent également vers le haut… Nous la rapprochons un peu, tout rentre dans l'ordre. Immédiatement, la charpente qui manquait sur le système 2 est présente . Elles nous présentent la musique avec beaucoup de corps, de chaleur et de souplesse. Pas difficile de comprendre pourquoi Daniel est tombé sous le charme des enceintes Linn. La restitution est très musicale et fluide, avec ce grave qui apporte le soubassement nécessaire à un bon confort d'écoute. Le médium est très charmeur, le sax d'Archie Shepp passe de façon impressionnante.
Je ne peux m'empêcher de penser à la couleur sonore des "LP12 vintage" (le liseré flûté en haut des enceintes semble être un clin d'oeil au cadre de la platine), j'ai vraiment le sentiment que ces enceintes ont été conçues dans le même esprit. Il y a une forme de filiation sonore indéniable.
Les Isobarik ont toujours déchainé les passions, avec les "pros" et les "antis"… Essayons de comprendre pourquoi en dépassant ces clivages, de trouver comment leur charme opère et peut être aussi de pointer leurs limites:
1 Ce qui marque en premier lieu c'est le registre grave à mon goût. Pour moi c'est sur ce registre que la musique se construit. C'est un peu comme une pyramide. Celui des Isobarik est très souple avec un côté pneumatique qui apporte un rebond, une souplesse constante au discours musical. Je pense qu'un des secrets de ces enceintes réside dans ce registre. Il reste néanmoins, et ce, même avec six 135 CB "aux fesses", paresseux. La vélocité quoique correcte n'égale pas celles des SBL. Contrairement à Gaston (gfantasio

2 Un des points forts des Iso c'est également le médium, et la transcription des voix. L'équilibre me fait là encore penser à la LP12. Sur les premières LP12 on a un grave très plantureux, rond, mais qui ne vient jamais masquer les voix: c'est ce qui donne cet équilibre magique à la célèbre platine (même si elle a bien évolué depuis et que son équilibre sonore n'est plus le même). Je trouve que l'on retrouve un peu cette magie dans l'équilibre sur les Iso…
3 La diffusion sonore frontale et vers le haut créée un volume sonore flatteur, une sorte de bulle qui enveloppe l'auditeur. Les Iso sont des charmeuses, elles nous caressent dans le sens du poil (ou plutôt du conduit auditif), et cet élargissement un peu artificiel du rendu peut donner l'illusion d'une meilleure définition des plans sonores, d'une meilleure lisibilité des lignes mélodiques. Si on écoute un peu attentivement je trouve que ce n'est pas le cas: les SBL, sans esbroufe, sans jouer à la grenouille qui veut se faire plus grosse que le boeuf, replacent les plans sonores de façon plus juste à mon goût, avec un sens des nuances fines plus aigu. Du reste puisqu'on parle d'aigu, celui des Iso avait tendance à se détacher un peu, sans doute un problème d'ajustement du filtre auquel Daniel a remédié depuis il me semble. D'une façon générale je trouve que ce mode de diffusion des sons (frontal et vers le haut) nuit à la cohésion sonore même si les enceintes Linn réalisent le tour de force d'un rendu très musical avec pas moins de 6 HP par boîte!
En conclusion c'est un système très musical très charmeur, cependant six amplis en actif + six HP par enceinte cela finit par faire beaucoup et par compliquer sérieusement la mise au point de l'ensemble, voire nuire à sa cohérence. Selon moi une simple paire de SBL bien installée avec un 250 ou des 135 a plus de choses à dire

Cela n'enlève rien aux qualités musicales du système de Daniel tout est affaire de goût. A ce propos je relisais les dernières évolutions dont Daniel faisait part sur le forum. Ce "tweak" sur le découplage des Iso qui donnerait un rendu comparable aux SBL… mais "à la puissance 10". Cela me paraît difficilement possible car la conception et la philosophie des deux enceintes sont complètement opposées. Il ne faut pas essayer de "faire de la SBL" avec des Iso à mon avis… Les Iso doivent rester des Iso, c'est comme cela qu'elles fonctionnent le mieux et qu'on les aime


On devine à gauche la sous-pente qui générait quelques réflexions gênantes
DBL et 2X135 OLIVE
Le temps d'avaler une bière (pression s'il vous plait

L'appartement de DDD est vaste mais les DBL ne passent pas inaperçues! Impossible de les louper dans le salon dont la porte arbore fièrement le logo Naim

Nous enchaînons nos disques tests que Daniel passe, patiemment, les uns après les autres. A la fin de la série je m'apprête à dire à DDD ce que je pense de son système… Il n'en a que faire, se place devant le CDS et enchaîne les siens: Ramstein en premier lieu, suivi de nombreux groupes pour le moins "vigoureux". Nous commençons à souffrir, Daniel nous observe d'un oeil amusé, il insiste avec des groupes de rock progressif allemands les plus obscurs et les plus ringards que j'ai jamais entendus. Comment un homme normalement constitué et doté d'une telle installation peut-il écouter une musique pareille


Et l'écoute me direz-vous? Pas grand chose à dire en vérité, tant le système paraît abouti. Ne vous laissez pas tromper par l'apparent amateurisme de l'installation. Chaque élément est optimisé avec la plus grande minutie. L'oreille de DDD est infaillible. Ce qui frappe en premier lieu c'est l'incroyable douceur , une forme de sérénité souveraine que seules les DBL semblent pouvoir apporter. Ne vous attendez pas à ce que le 38cm lézarde les murs: comme me le disait Eddy au téléphone, les DBL jouent presque comme une petite enceinte. Image plutôt confidentielle, caractéristique des enceintes Naim aucun gonflement artificiel. Mais quel sens du rythme, le grave est là juste quand il le faut avec une articulation qui peut laisser rêveur les possesseurs d'Isobarik: avec une "simple" paire de 135 on obtient une vélocité et un naturel sans commune mesure! La musique coule presque de source sans aucune sensation de manque, les arrière plans sonores sont dessinés avec beaucoup de finesse, aucun caractère ostentatoire, bref la grande classe. Pas grand chose à dire, juste naturel, rythme raffinement élégance. Et Daniel a bien besoin de cela avec ce qu'il écoute… Ce sont des enceintes qui se font (presque) oublier pour laisser passer la musique alors que le visuel laisse plutôt augurer d'un "gros" son… Une forme d'aboutissement ultime pour tous ceux qui apprécient la philosophie des enceintes Naim. Bien sûr il y a l'actif au-dessus, mais franchement à ce niveau, à quoi bon s'encombrer de boîtes supplémentaires?
A ce propos, je voulais revenir sur les électroniques olive qui ont un peu été mises à mal ces derniers temps sur le forum avec la "vogue" des électroniques chrome… Où est la "grossièreté" des 135 olive, où est leur grave "façon discothèque", leur médium creusé et leur manque de raffinement dans l'aigu (Hello Franck

Pour conclure je dirais que cela a été une journée passionnante: passionnante sur le plan humain avec des rencontres que l'on n'oublie pas! Passionnante également sur le plan du matériel, car écouter de tels systèmes est une véritable leçon, une façon irremplaçable de faire évoluer son oreille et par voie de conséquence son propre système...
Merci à tous et A+!
Dug